Le 11 décembre 1989 : la révolution insurrectionnelle qui a renversé la dictature autocratique de KEREKOU-PRPB
Ce jour-là, sur appel de la Convention du Peuple et du Parti Communiste du Dahomey (aujourd’hui Parti Communiste du Bénin) par dizaines de milliers, le peuple de Cotonou déferla dans la rue au mépris des baïonnettes et des gourdins, pour jeter à bas le régime pourri, despotique et antipatriotique de Kérékou-PRPB. L’acte emblématique qui a exprimé cette révolution a été que Kérékou, le despote, a été lapidé par le peuple insurgé et a dû se réfugier à l’Eglise Saint Michel de Cotonou.
Le pouvoir de Mathieu Kérékou-PRPB, c’était quoi ? Le pouvoir de KEREKOU a été instauré par coup d’Etat le 26 octobre 1972. Tout de suite, il se mit à l’œuvre d’accaparer et de concentrer tout le pouvoir en ses seules mains. D’abord au sein de la classe de la haute bourgeoisie. Les anciens présidents ont été arrêtés et mis en prison. Ils y resteront pendant 10 ans sans jugement. Les membres du gouvernement révolutionnaire militaire qui ont commencé à désapprouver la corruption ainsi que les exactions de ce nouveau régime pseudo-révolutionnaire, les capitaines Hilaire Badjogounmè et Nestor Béhéton ont été poussés à la démission. Les autres officiers auteurs du coup d’Etat, comme Janvier Assogba sont réduits au silence ou carrément assassinés, comme Michel AÏkpé, le ministre de l’Intérieur, en 1975.
Toutes les organisations démocratiques ont été attaquées et dissoutes : en 1974, notamment la Jeunesse Unie Anti-impérialiste (JUD) qui regroupait toutes les organisations démocratiques de la jeunesses et toutes ses sections, dont l’UGEED (Union Générale des Elèves et Etudiants du Dahomey) et le FACEEN (Front d’Action Commun des Elèves et Etudiants du Nord). A l’annonce de la nouvelle de l’assassinat de Michel Aïkpé, la ville de Cotonou s’embrase ; la prison civile est prise d’assaut ainsi que quelques bâtiments officiels. KEREKOU ordonne de tirer sur la foule, faisant de nombreux morts. Ce fut le même sort à Abomey qui s’était aussi embrasée. Après cela, c’était la chasse à l’homme ; travailleurs syndiqués, étudiants, responsables d’organisations de masse, tout ce monde était traqué. A la suite de cette répression sanglante, Kérékou formalisera dans une Constitution, la Loi Fondamentale, son pouvoir autocratique qui a instauré la pensée unique, enfermée dans des Institutions uniques telles le Parti unique, le PRPB, une Confédération Syndicale Unique de Vilon GHEZO (Union Nationale des Syndicats des Travailleurs du Bénin), une Organisation Unique des Femmes de Rafiatou KARIMOU (Organisation des Femmes Révolutionnaires du Bénin), une Organisation Unique de Jeunesse (Organisation des Jeunes Révolutionnaires du Bénin) avec pour patrons à l’époque, BATOKO Ousmane et surtout HOUDOU Ali, etc. Toute grève, toute presse (en dehors du journal unique gouvernemental EHUZU) était interdite ; était interdite toute liberté de réunion, d’association, toute manifestation indépendante, et leur violation était sévèrement réprimée. A titre d’exemple, contre la première grève après 1975, celle des étudiants de l’Université Nationale du Bénin (UNB) en 1979, KEREKOU a prononcé cette phrase que l’éternité retiendra : « Nous marcherons sur les cadavres. Puissent ces cadavres-là être des corps d’étudiants, cela ne nous fait pas peur… Bokassa a raison de tirer sur des enfants, si ces enfants sont des crapauds. » Egalement, contre les étudiants et les élèves en 1985, l’autocrate Kérékou a fait publier dans le journal gouvernemental EHUZU les noms et photos des responsables (Alassane Issifou, Denis Sindété, Thérèse Waounwa, Agbétou Osséni, Baparapé Aboubakar) qu’il demande de retrouver et de ramener morts ou vivants, et ordonné de « tirer à vue et sans sommation » sur tout attroupement de plus de deux personnes. Tous les commissariats, les camps militaires, toutes les prisons étaient remplis de prisonniers, et ceux considérés comme les plus dangereux envoyés au bagne de Ségbana. De nombreux héros et martyrs qui ont succombé sous le joug de la terreur autocratique sont connus (Luc Togbadja, Parfait Atchaka, Rémy Akpokpo Glèlè, Moussa Mama Yari etc). Ne parlons pas des milliers de citoyens poussés à l’exil suite aux poursuites policières arbitraires ni des radiations de travailleurs salariés pour fait de grève. Encore en 1989, pour tenter de contrer les mouvements de grève, 480 enseignants ont été radiés.
Pendant qu’il avait muselé le peuple, pendant qu’il opprimait et réprimait, l’autocrate Kérékou et ses dignitaires, assurés de l’impunité et hors de tout contrôle, pillaient et dilapidaient les maigres ressources des entreprises et du Trésor public.
C’est contre un tel pouvoir sauvage, criminel que le peuple, avec détermination, à l’appel incessant du Parti Communiste, allait de résistance en résistance pour culminer à l’insurrection du 11 décembre 1989.
Cette révolution du 11 décembre 1989 elle-même a été l’aboutissement d’un mouvement populaire commencé depuis le mois de décembre 1988 et qui s’est étendu et prolongé sur toute l’année 1989 avec la grève générale des élèves, étudiants et travailleurs de toutes catégories. Le mouvement, pendant des mois, avait par touches progressives, déchiré la Loi Fondamentale, la constitution autocratique. Tout le long de l’année 1989, les masses insurgées en allant en grève, en faisant des manifestations, en publiant des tracts et même des journaux d’opposition, en enjambant ou en contournant tous les complots du pouvoir et de ses mouchards, passaient outre les interdictions constitutionnelles autocratiques et par conséquent déchiraient, par petites touches, la Loi Fondamentale. La révolution insurrectionnelle du 11 décembre 1989 n’a été que le couronnement de ce mouvement, mettant fin au Régime despotique. Les libertés avaient été donc conquises dans les rues, dans et par l’action populaire et il ne restait qu’à les consacrer dans une Constitution.
Les éléments de la haute bourgeoisie, ceux-là, les Mgr De Souza et autre Robert Dossou, qui sur injonction du président français, François Mitterrand, ont sauvé avec la Conférence nationale, Mathieu Kérékou et lui ont donné une immunité contre toute poursuite judiciaire et avec lui, tous les tortionnaires et pilleurs, ont voulu noyer et effacer de la mémoire populaire cette date mémorable du 11 décembre 1989. Ainsi, ont-ils retenu le 11 décembre 1990 comme jour de la promulgation de la Constitution votée par référendum le 02 décembre 1990. Et à leur suite, des gens ne veulent commémorer le 11 décembre que comme la date de la promulgation de la Constitution du régime du Renouveau démocratique et non la date où le peuple a renversé l’autocratie.
Ce qui est vrai et à retenir, c’est le 11 décembre 1989 qui signifie fondamentalement la révolution populaire contre la Dictature autocratique de Kérékou-PRPB et non pas autre chose. Et le Peuple béninois se doit de la commémorer comme référence pour en faire autant, sinon mieux face au défi actuel, le despotisme de Patrice Talon.
Vive le 11 décembre, Vive l’insurrection populaire !
(Extrait de "La Flamme" n°431 du 10 décembre 2021)