Les élections présidentielles au Nigeria
Enjeux et perspectives
I- Présentation des Candidats en lice et dispositions constitutionnelles
1° Présentation des Candidats en lice.
Le 25 février 2023, se dérouleront les élections présidentielles au Nigeria en même temps que les élections législatives et sénatoriales. Le Président BUHARI constitutionnellement disqualifié à se présenter pour un troisième mandat aux termes de la Constitution de 1999, nous avons officiellement en lice, les candidats et Partis politiques suivants :
1°-Bola Ahmed TINUBU, 70 ans ; représente le parti au pouvoir, le (APC, All Progressives Congress). Il est yoruba musulman, ancien Gouverneur de l’Etat de Lagos et puissant Riche et faiseur de roi au Nigeria ayant pour colistier Kashim SHETTIMA (haoussa musulman du Nord).
2°-Atiku ABUBAKAR, 76 ans ; se présente au nom du principal parti d'opposition, le Parti démocratique populaire (PDP, People Democratic Party). Il s'est déjà présenté cinq fois à l'élection présidentielle, qu'il a toutes perdues, haussa du nord, musulman, ancien Vice-président de la République Fédérale du Nigeria, ayant pour colistier Ifeanyi OKOWA (igbo, chrétien).
3°-Peter OBI du Parti LP (Labour Party, Parti Travailliste), ancien Gouverneur de de l’Etat d’Anambra (Chrétien Igbo, ayant pour colistier Yusuf Datti BABA AHMED, musulman.
4°-Rabiu KWANKWASO du Parti NNPP (New Nigerian People’s Party) ayant pour colistier Isaac IDASHOSA. Etc.
Au total, 18 candidats font campagne pour les présidentielles, mais seuls trois d'entre eux ont une chance réaliste de l'emporter, selon les sondages d'opinion.
Pour comprendre un peu cette situation nous devons fournir au lecteur les éléments « constitutionnels et a-constitutionnels » (éléments a-constitutionnels, ce sont des pratiques reconnues par tous mais non objet de dispositions constitutionnelles formelles.
2° Dispositions constitutionnelles
Selon la Constitution du Nigeria de 1999 (calquée sur celle des Etats-Unis d’Amérique), le Président est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Est déclaré élu au premier tour, celui ayant recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés, au niveau national et plus de 25% au moins (dans au moins 24 des 36 Etats Fédérés du Nigeria). A défaut, un second tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête. Est déclaré élu le candidat ayant recueilli le plus de voix. Le mandat présidentiel est de 4 ans, renouvelable une fois. Les candidats doivent être de nationalité nigériane de naissance (et exclusivement de nationalité nigériane, c’est-à-dire n’ayant volontairement acquis aucune autre nationalité) ; âgé d’au moins 40 ans (pas de limite supérieure), être membre et candidat officiel d’un Parti politique reconnu et avoir un cursus scolaire au minimum jusqu’à l’enseignement secondaire. Chaque candidat présente un colistier, Vice-président, membre du même Parti et pouvant le suppléer en cas de vacance de la présidence ; dans ce cas, le Vice-Président devenu Président va nommer son Vice-président avec l’accord des deux chambres du Parlement.
3°- Pratiques a-constitutionnelles
Ce sont des pratiques reconnues quasi-obligatoires mais non constitutionnalisées.
Ainsi en est-il du principe de zonage. Cela veut dire que :
-La présidence alterne entre les deux Régions du Pays : le Nord et le Sud ; lorsqu’un président est du Nord, son Vice-président (colistier) doit être du Sud et vice-versa ; les deux doivent être de religions différentes : chrétien, musulman.
-De même lorsqu’un Président d’une Région gouverne pendant les deux mandats constitutionnels, son successeur devra être de la région opposée. Cela veut dire qu’en principe, le prochain Président du Nigeria, successeur à Buhari, musulman du Nord, doit être Chrétien du Sud.
Le respect de ces deux principes semble constituer la clé de voûte du fragile équilibre du Nigeria dont l’existence est à chaque fois mise à rude épreuve par des mouvements sécessionnistes et séparatistes (actuel mouvement dit de Biafra et le fameux Yoruba Land).
La particularité des élections présidentielles prochaines est que le candidat, probable prochain Président du Nigeria du parti majoritaire, est du Sud mais musulman avec un Vice-président lui aussi musulman ; ou qu’adviendrait-il si un candidat comme ATIKU musulman du Nord arrivait à gagner ces élections alors qu’un autre du Nord comme Buhari venait d’achever un règne ? Autant de questions qui font entrevoir les enjeux des prochaines élections.
II- ENJEUX DES PROCHAINS SCRUTINS
1° Enjeux :
Le Nigeria, un pays en proie à un mécontentement général
Le Nigeria est un pays en crise profonde marquée par de grands enjeux ; d’une part, les huit années de règne du président sortant Muhammadu Buhari auront vu le Nigeria faire face à diverses crises. De la forte inflation aux attaques meurtrières perpétrées par des hommes armés contre des civils innocents ; d’autre part la crise économique, l’exacerbation des contradictions inter-ethniques, religieuses et séparatistes.
De façon particulière, au point de vue économique
«En 2022, l'inflation a augmenté pendant 10 mois d'affilée, tombant tout juste à 21,3 % selon les derniers chiffres publiés ce mois-ci. En raison de cette hausse du coût de la vie, de nombreuses familles ont du mal à joindre les deux bouts, les médias locaux qualifiant la situation de "désastreuse".
Le chômage est également un problème majeur, laissant de nombreux diplômés craindre de ne pas trouver de travail même après des années d'études universitaires. Les derniers chiffres du Bureau national des statistiques du pays montrent que 33 % de la population est sans emploi, ce chiffre passant à 42,5 % pour les jeunes adultes.
Bien qu'il s'agisse d'un important producteur de pétrole, quatre Nigérians sur dix vivent sous le seuil de pauvreté et "manquent d'éducation et d'accès aux infrastructures de base, telles que l'électricité, l'eau potable et des installations sanitaires améliorées", selon la Banque mondiale » (https://www.bbc.com/afrique/region-64391677).
Les conséquences, c’est un mécontentement général de la population faisant craindre un taux record d’abstention au prochain scrutin.
Comment enrayer ces phénomènes et menaces qui grondent sur le pays voisin le plus peuplé d’Afrique et le premier au plan économique ?
Tels sont les enjeux de ces élections.
2° Incertitudes
La première incertitude, est que les élections présidentielles prochaines ne résoudront pas, comme sous l’effet d’une baguette magique, ces différentes crises et menaces.
Notre souhait le plus ardent est que le Nigeria, notre grand Voisin surmonte ces écueils (insécurité, conflits ethno-religieux et menaces séparatistes etc.), autant de défis, qui, s’ils explosent, impacteront très sérieusement le Bénin notre pays et même toute la sous-région Ouest-africaine.
Il faut toutefois noter que malgré cette situation économique désastreuse pour plus de 150 millions d’habitants qui s’enfoncent tous les jours dans la pauvreté et les explosions sociales, ethno-religieuses et séparatistes qui menacent, les grands bourgeois tels DANGOTE, Mike ENUGA, ELUMELU etc. s’enrichissent de plus en plus; ce qui révèle une société à deux vitesses : d’une part, le Nigeria qui poursuit une voie rapide de transformation en grande puissance économique de l’Afrique avec des exemples comme : la méga-raffinerie de Pétrole de Dangote (première plus grande raffinerie d’Afrique et 2ème du monde) ou la méga usine d’engrais de Dangote, deuxième plus grande usine d’urée du monde, entrée officiellement en activité en mars 2022, etc. ; d’autre part, l’appauvrissement de plus en plus grand de la majorité de la population ; ce qui induit la problématique d’une thérapie révolutionnaire.
La société nigériane évitera-t-elle cette issue ? Rien n’est moins certain.
Samson