PARTI COMMUNISTE DU BENIN (PCB)
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HOMMAGE AU CAMARADE GANDONOU Albert.
« Ou Albert Gandonou tel qu’il fut ».

Mesdames, Messieurs,

Camarades et Amis

Qu’il est pénible de devoir faire l’oraison funèbre d’un ami très cher, d’un Camarade dévoué et confident ! C’est pourtant à cette dure épreuve que je dois de me soumettre en ce moment.

Il y a des douleurs que le temps efface ; il y en a que les saisons, les lunes et les soleils ne peuvent effacer. C’en est une en ce moment.


Albert Gandonou, dont le corps sans vie repose devant nous aujourd’hui fut un homme multidimensionnel, à la fois écrivain (dramaturge, essayiste, grammairien, poète, professeur de lettres), et au plan politique, militant chevronné de deux chapelles : la foi et pratique chrétiennes et l’engagement déterminé au Parti communiste.

Comment présenter un personnage aussi complexe sans commettre des abus ou des omissions peut-être condamnables ? Pour un essai de clarté je vais opérer en les points suivants : regarder l’homme (dans son curriculum vitae général), l’écrivain, puis le Religio-politique.

1°- L’homme : Pour ce que nous savons de lui, Gandonou Albert est né le 14 novembre 1950 à Krake de GANDONOU Marcellin et de Sourou Thérèse de l’Enfant Jésus. Après ses études primaires sous les ailes très ferventes de son père catéchiste, il fit le séminaire de Djimè, séminaire qu’il quitta pour l’Université du Dahomey, fit son DEA et doctorat à la Sorbonne avec une brillante thèse sur «Grammaire et Stylistiques françaises ». Professeur de lettres hors pair, il a enseigné dans les lycées au Gabon, de Côte- d’Ivoire plus précisément Soubré, Dimbokro, puis enfin à l’Université Nationale du Bénin de 1993 à 1998 : là, il a subi une répression professionnelle à caractère politique : à savoir le refus de son admission comme Enseignant à l’Université (à la FLASH) par la cabale d’esprits mesquins, agents de la françafrique et sous dictée impérialiste française, pour avoir défendu dans sa thèse la vivacité de la littérature africaine en langues africaines au lieu de ladite et prétendue « littérature africaine d’expression française » si chère aux pontes de la faculté des lettres de l’époque. L’histoire jugera.


Il créera pour raison de conviction et de survie et ce, avec d’autres personnes, l’Institut Universitaire du Bénin (IUB) et que le pouvoir de la Rupture se chargera de ruiner en 2017. Gandonou subira ainsi deux crimes qui le marqueront toute sa vie et dont les effets ne sont pas étrangers à sa maladie et disparition actuelle : le refus de son admission à l’Université du Bénin, puis la destruction de son Institut Universitaire. Entre autres facteurs ayant précipité sa disparition, la mort tragique de sa fille aînée, Houéfa Bertille.


Gandonou Albert est marié et père de plusieurs enfants.

2°- L’Ecrivain :
Gandonou Albert fut un écrivain remarquable : auteur de pas moins d’une dizaine d’ouvrages dont notamment 1°- «Les Eunuques » aux éditions Silex, Paris 1984 ; 2°-« Fous d’Afrique » Paris, Silex 1985 » qui remporta le Premier prix du Festival National de Théâtre Scolaire et Universitaire de Côte d’Ivoire 1986. Je précise à cette occasion qu’il fut un grand metteur en scène ; intéressé par ma Pièce de théâtre (d’ailleurs jusque-là inédite) qui remporta le prix de « Première Chance sur les Ondes de Radio France (OCORA) en 1971, pièce intitulée « Sia ou l’agonie d’un Empire », Gandonou Albert, la fit jouer pour la seule fois en 1993 par ses élèves du collège Père Aupiais. ; 3°- « Louis Hounkanrin ou la grande France », 1994 ; 4°- Docteur Alex et son Oncle le Chasseur », 2002 ; 5°- « Le roman ouest-africain de langue française », Paris, 2002 ; 6° « Lettre de prison », 2011, etc.

3°- Gandonou Albert : Politique.
Albert Gandonou est membre fondateur du Parti Communiste du Dahomey aujourd’hui Parti Communiste du Bénin. Cela tout le monde le sait et il l’a toujours clamé.


Mais l’originalité d’Albert et son apport à l’humanité, furent la conciliation de sa foi chrétienne, en « le Christ le Sauveur » et Marx le « Sauveur du Prolétariat et les Peuples. »
Albert contribua grandement à l’implantation du Parti Communiste du Bénin notamment dans sa région de l’Ouémé ;

Je noterai à titre de témoignage : l’une des phases de sa contribution à la révolution inachevée de 1989-90 fut son activité pour le rayonnement de la Convention du Peuple, alliance qui dirigea de façon éclatante le grand mouvement populaire de 1989 ayant abouti au renversement du pouvoir de Mathieu Kérékou. En ce temps, (1988-1989), Gandonou Albert était le Président de la Section ivoirienne de la Convention du Peuple qui contribua de façon significative au mouvement révolutionnaire (en 1989) notamment au plan de son financement. Dès le 04 décembre 1988, soit seulement deux mois après sa Création, fut créée « La Coordination des Comités de Soutien à la Convention du Peuple, et Albert Gandonou en fut porté Président. Il œuvra bien vite à faire grandir la Convention du Peuple, au sein de l’Association de Développement Economique et Social de l’Ouémé, Section de Côte d’Ivoire dont il fut désigné Président depuis 1988. Dans la période 1988-89, il effectuait des va-et vient entre la Côte d’Ivoire et le Bénin pour assister des camarades membres du Parti recherchés, notamment en clandestinité dans le pays. C’est ainsi qu’il fut profondément marqué lors de ses visites aux « cachettes » des planqués qu’il découvrit avec écœurement et aussi admiration les conditions précaires et héroïques de vie de notre Leader « Pascal Fantodji » dans une cabane dans « Agbalilamè » sur la voie de Porto-Novo derrière l’Abattoir. Il fut si marqué par cette vie de celui qui en Côte d’Ivoire, Chef de Département Mathématiques de l’Institut Houphouët Boigny de Yamoussoukro (INSET), était à plus de 2 millions de CFA par mois, et pourvu d’une piscine à domicile qui se retrouvait ainsi assis sur une natte paillasse, par terre, dans une masure et recherché par la police politique. Il en fut si marqué qu’il en a fait écho dans son livre « Lettre de prison ».

Le 15 Juillet 1990, Albert quitta définitivement la Côte d’Ivoire et revint rejoindre les combattants du PCD et la Convention du Peuple. Gandonou dès son retour au pays, poursuivit ses activités politiques de membre du PCB. Le 18 Juillet 1991, alors qu’il était en réunion avec les paysans du village de Lagbé, appelé Zian, qu’il mobilisait contre les brimades dont entre autre la « taxe civique », il fut arrêté sous le régime du Président Nicéphore Soglo. Il n’en sera libéré que le 19 mars 1992. Le Livre « Lettre de Prison » d’Albert en constitue la trame.
Il est demeuré actif et son mandat de Membre du Comité Central fut renouvelé en décembre 2023 au 7ème du Congrès.

4°- La Pensée de Gandonou Albert.
Les idées d’Albert sont si complexes, si variées qu’elles constituent tout un corpus cohérent et original qui mérite le terme de « Pensée ».
Le premier élément de sa pensée fut sa foi en le Christ « Révolutionnaire » et transformateur de l’Humanité au même titre que Marx, Lénine. D’où les ouvrages qui peuvent être considérés comme des livres de règlement de compte à la propre contradiction qui était celle d’Albert : « Comment demeurer chrétien tout en étant marxiste.» « Mars, Lénine…et pourquoi pas Jésus » (1983).

L’approfondissement de cette contradiction le conduisit à la remise en cause de l’Eglise en tant qu’Institution qu’il sépare du Christianisme. Il écrit notamment dans son livre « Comment je suis redevenu africain » (Edition Etincelle 2014), ces passages illustratifs « Si le sel perd sa saveur avec quoi le salerait-on ? L’Eglise n’est pas, surtout en Afrique, une force de transformation de la société, mais une force d’appoint au système d’exploitation et d’oppression des peuples, que ce soit pendant la traite des Noirs ou bien sous la colonisation ou encore aujourd’hui sous le régime du néocolonialisme…» (page 21). D’où il a créé avec beaucoup d’autres, au départ tous ses étudiants « Chrétiens pour Changer le Monde » « CPCM » qui rejoint en fait la « théologie de la Libération de Mgr Helder CAMARA du Brésil et dont quelque relent peut se retrouver auprès du nouveau Pape argention, François. Ainsi a-t-il résolu avec lui-même sa contrariété principale d’être Chrétien convaincu mais aussi marxiste engagé au sein du Parti Communiste du Bénin dont il fut membre fondateur et il en a assumé entièrement toutes ces contradictions, tous ces doutes à la fois, jusqu’à sa disparition.

Le Parti Communiste du Bénin de son côté ne fait pas de la croyance ou non à une religion, un critère d’adhésion. L’article Premier des Statuts du Parti dit « Est membre du Parti qui en accepte le programme, milite dans l’une de ses Organisations et paie les côtisations ». Il n’est pas dit et nulle part (tant dans le programme que dans les Statuts) que pour être membre du Parti, il faut être non religieux ou athée. Ce que, à dessein, certains véhiculent.
Le plus grand facteur qui a servi de fil conducteur à toute la pensée de Albert, c’est le patriotisme, l’attachement viscéral à la terre des Pères, aux Valeurs qui furent les leurs, c’est la Justice, l’amour des Pauvres (comme Jésus, dit souvent Albert). Il a effectué, cet effet, un voyage au Vatican ayant perçu dans l’actuel Pape, le Pape François dès son avénement au pontificat, un applicateur du principe du Christ (attachement aux pauvres).

L’attachement aux valeurs cardinales qui fondent notre société l’a conduit naturellement à l’œcuménisme.

Je vais résumer ici quelques-unes des thèses politiques du patrotisme d’Albert :
« Fondements d’une école émancipatrice au Benin- Qu’est-ce que le développement aujourd’hui pour notre pays, le Bénin, soi-disant francophone ?

La réponse à cette question se décline en un seul mot : libération ou encore émancipation. Notre pays n’est ni sous-développé ni, encore moins, en voie de développement : il est dominé. Notre devoir, c’est de le libérer sur tous les plans pour aller enfin au développement.
1) Le système politique doit être libéré de la domination étrangère, c’est-à-dire du néocolonialisme, pour le mettre avant tout au service des intérêts bien compris de notre pays et des besoins réels de notre peuple qui n’aspire qu’à l’amélioration de ses conditions de vie.

2) La production doit être libérée…. Le développement, c’est le développement de la production, c’est l’industrialisation.

3) La monnaie doit être libérée. En finir avec la zone franc et le franc CFA.

4) Nos langues et nos religions doivent être libérées de toutes les mystifications, de toutes les calomnies et autres médisances distillées de l’extérieur, et qui ne visent que leur anéantissement au profit des langues et des religions étrangères.

5) Nos bourgeois doivent être libérés de leur assujettissement aux intérêts étrangers… C’est quand les bourgeois ne jouent pas leur rôle historique que les communistes prennent leur place pour conduire la révolution nationale, comme en Chine depuis 1949. Cette révolution aura les conséquences suivantes quand elle se produira…

6) L’étude et l’enseignement de nos religions ancestrales africaines : mais pour cela il faut en venir à une définition de la religion qui soit plus respectueuse de la vérité en la matière et de la nécessaire diversité religieuse.

7- La promotion du travail manuel à l’école : nos pays ont besoin d’une éducation diversifiée qui produise, - et tienne en grande estime -, autant des cerveaux que des mains qualifiées. Chez les Juifs, au temps de Jésus, les meilleurs artisans étaient les plus grands savants. Jésus était un charpentier (Mc 6, v.3), Paul de Tarse était fabricant de tentes. On le sait, l’artisanat est la base du décollage industriel.

8) L’étude et l’enseignement des médecines ancestrales et alternatives de chez nous : toutes les médecines modernes ont eu ce point de départ-là. Pourquoi pas chez nous ? Les Chinois de nos jours en donnent une illustration éblouissante ! Près d’un guérisseur, il y a un laboratoire. Le développement, c’est transformer ce qu’on a, faire évoluer ce qu’on est (Communication au Colloque sur l’Ecole, CPFG, 2013). »

Enfin je ne saurais terminer sans dire que derrière un grand homme, il y a toujours une grande femme dit-on souvent. Le cas ici est plus vrai. Il s’agit de Diabaté Sita ; épouse Gandonou Albert à propos de laquelle Albert écrit : « Partageant d’assez bon cœur la hiérarchie des valeurs et de mieux en mieux mon idéal communiste, elle a consenti au sacrifice de me laisser répondre à l’appel de ma patrie… » (Lettre de prison », page 6). Femme de cœur, femme engagée. Sita infirmière d’Etat et fonctionnaire de l’Etat de Côte d’Ivoire a abandonné son poste, par amour pour Albert, a suivi au Bénin un époux sans job officiel et s’est engagée à ses côtés jusqu’à ces derniers moments de sa vie. Femme panafricaniste, femme combattante, Albert, je te l’ai dit et répété à maintes reprises, cette femme mérite d’être célébrée et quand l’occasion se présentera, on illustrera à jamais son nom « Diabaté Sita, épouse Gandonou Albert » d’une rue, d’une place de ce pays.


Je ne terminerai pas ces hommages sans remercier les enfants Gandonou, dont Finafa, Abiola.
Albert, Homme de Passion ! Homme d’Enthousiasme ! Homme d’idéal ! Repose en paix.
Ton Œuvre politique que tu as contribué à grandir se poursuit et s’accomplira !


Cotonou, siège du PCB le 09/8 /2024


Philippe T. Noudjènoumè


Premier secrétaire du PCB