LETTRE ADRESSE
A
Son Excellence Patrice TALON
Président de la République, Chef de l’Etat,
Chef de Gouvernement
Cotonou

A PROPOS DU GLYPHOSATE.

Monsieur le Président de la République,
Depuis quelque temps s’enfle un débat tant au plan national qu’international. Ce débat concerne le glyphosate, principe actif du Roundup, produit phare de la multinationale MONSANTO, fort connue dans le monde. Le débat porte sur la nocivité ou non de cet herbicide à la santé de l’homme. En termes clairs, le produit glyphosate est-il oui ou non nuisible à la santé de l’homme et pour les écosystèmes ? Le problème est d’autant plus sérieux que notre pays - pour les besoins du coton - est un gros importateur de Glyphosate et votre Ministre de l’agriculture a réceptionné en avril dernier cinq cent mille litres (500.000) sur neuf cent mille litres prévus pour la campagne 2018-2019.
Monsieur le Président de la République,
Deux affirmations se trouvent donc en présence, celle du caractère dangereux du produit pour l’organisme humain et celle qui dit le contraire. Des deux affirmations, l’une est nécessairement fausse. En examinant les choses, sans être spécialiste du domaine, je note que la thèse du caractère dangereux du glyphosate est confortée par les éléments suivants :
Premièrement, depuis 2015 le Centre International de Recherche contre le Cancer de l’OMS (IRC/OMS) a classé le glyphosate « cancérogène probable pour les hommes (Groupe 2A, monographie 112) »

Deuxièmement, le tribunal de San Francisco aux Etats-Unis vient de condamner la firme Monsanto à payer 289,2 millions de dollars de dommages à un jardinier (Dewayne Johnson) malade de cancer en phase terminale causé par le glyphosate.
Troisièmement, il existe à travers le monde une houle de plaintes et de protestations relayées par de grands medias, à l’encontre de ce produit avec de nombreuses prises de positions de pays dénonçant son caractère cancérigène. Les déclarations du ministre français de la Transition écologique, Nicolas Hulot ou du député José Bové attestent du sérieux de la situation. « N’attendons pas d’avoir une liste de décès pour agir » disent-ils.
Quatrièmement enfin, des assertions avancées par-ci par-là, disent que notre population tout entière est déjà exposée aux graves effets de ce produit et impute le nombre de plus en plus élevé de cancer dans notre pays à ce produit. J’ai lu sur les réseaux sociaux des gens déclarer avoir « des preuves scientifiques de la présence de ce Glyphosate dans nos cours d’eau dans les barrages, dans les poissons, dans le sang humain, dans les aliments, et même chez des diabétiques au Bénin. C’est le moment de dire non à la mort programmée de toute la population béninoise ». On affirme que « près de 1500 nouveaux cas de cancer sont recensés par an au Bénin » que nos gari et manioc que l’on consomme tous les jours sont désormais empestés de glyphosate. Sans oublier de nombreuses malformations génitales observées de plus en plus chez nos enfants surtout dans les bassins cotonniers du Bénin (Borgou/Alibori).
Moi-même, au cours d’une réunion d’experts des pêcheries des eaux terrestres et maritimes du Bénin, qui vantait la « comestibilité » des poissons d’eau douce par rapport à ceux d’eau de mer, l’on m’a rétorqué que malheureusement nos poissons de nos cours d’eau sont contaminés par des substances toxiques. Vrai ou faux, on ne saurait le dire. Mais l’inquiétude suscitée dans la population est légitime et toute personne responsable doit en tenir compte au lieu de se livrer à des menaces et intimidations sur les activistes « dénonceurs » du crime.
Monsieur le Président de la République,
Sans préjuger du reste, du caractère fondé ou non de toutes les preuves ci-dessus énumérées, le bon sens et surtout le sens de responsabilité impose d’agir en respectant le principe de précaution aujourd’hui universellement admis. Car il n’existe pas encore une machine pouvant faire revenir en vie des morts déjà causées, pour qu’on puisse s’amuser à faire des expérimentations in vivo.
Voilà pourquoi, Mr le Président de la République, il est hautement irresponsable, grave et scandaleux les propos de votre Ministre de l’Agriculture tendant à justifier l’utilisation du glyphosate et à minimiser les grands risques qu’il fait courir pour notre population en laissant entendre que «le Bénin ne court aucun risque en utilisant ce pesticide» (cf. "Le Matinal" du 24 août 2018). Voilà pourquoi, ils sont criminels les propos d’un certain médecin TOSSA qui tout en reconnaissant le caractère toxique du glyphosate, tente d’en banaliser la portée. Car de telles déclarations de banalisation du caractère dangereux du glyphosate s’apparentent à l’apologie du crime et les auteurs doivent être considérés comme des criminels. Je veux croire que vous ne vous associez sûrement pas à ces graves sorties médiatiques.
C’est pourquoi, je trouve sage et responsable la décision de certains pays (exemple du pays frère du Togo et du Rwanda) d’interdire l’usage de ce produit sur leur territoire. Je trouve sages les propos de dirigeants comme le ministre français de la transition écologique de faire interdire bientôt en France l’usage de ce produit.
Monsieur le Président de la République,
Je m’adresse à vous ici, non pas en opposant politique (bien qu’à l’évidence je le suis à votre politique), mais simplement en tant qu’humain. Car ici il ne s’agit pas de luttes de classes, mais de la vie tout court de l’homme. Il en va de l’humain et cela est au-dessus des classes sociales. La contamination n’épargne aucune classe sociale, riche comme pauvre. Même vous-même, si vous avez des moyens colossaux pour aller vous faire soigner dans les hôpitaux les plus huppés de la planète, il n’en sera pas de même de tous vos proches, parents ou amis.
Monsieur le Président de la République, je m’adresse à vous à un double titre.
Le premier en tant qu’homme d’affaires ou ancien homme d’affaires dans le domaine du coton (puisque vous avez affirmé avoir cédé désormais et la gestion et le patrimoine à d’autres personnes) ; mais vous demeurez tout de même responsable moral des sociétés que vous avez montées de vos mains et qui sont les importateurs et distributeurs à titre principal du glyphosate au Bénin.
Le deuxième, je m’adresse à vous en tant que Chef de l’Etat, garant (par serment) à ce titre, de la vie, de la santé physique et morale de la population béninoise ainsi que d’un environnement sain, aux termes de l’article 27 de notre Constitution. Vous êtes à la fois la personne responsable de l’acte criminel et celle chargée d’arrêter la commission de cet acte ; donc à la fois coupable et juge.
C’est pourquoi, je vous demande instamment à ce double titre, de prendre immédiatement deux mesures :
La première : faire interdire et arrêter immédiatement l’usage du glyphosate sur toute l’étendue du territoire du Bénin.
La deuxième : diligenter immédiatement une étude (avec l’implication de laboratoires neutres et crédibles) pour cerner toutes les conséquences, sur la santé de notre population et l’environnement, de l’usage pendant des décennies de ce produit toxique.
A partir de cet instant, tout retard dans la prise de ces décisions vous ferait endosser désormais le manteau d’auteur d’assassinat de masse (meurtre commis avec préméditation) au lieu d’être un simple auteur de meurtre de masse, que vous êtes supposé être avant l’éclatement de ce scandale criminel.
Telles sont les demandes que j’ai l’honneur de vous formuler en vous souhaitant que « Dieu et les mânes des Ancêtres » devant lesquels vous avez prêté serment, vous inspirent afin qu’à votre nom déjà terni par des palmes négatives, vous n’ajoutiez d’autres plus graves : celle d’empoisonneur public.
L’histoire ne vous le pardonnera pas.
Tout en vous souhaitant une bonne réception, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes sentiments distingués.
Philippe NOUDJENOUME

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