ADRESSE XX
Aux Béninoises et aux Béninois
A tous les Démocrates du Monde !
A PROPOS DE L’EXCLUSION DES PARTIS DE LOPPOSITION DES PROCHAINES ELECTIONS LEGISLATIVES.
Béninois, Béninoises,
Mes Chers Compatriotes,
L’heure est grave.Notre pays, le Bénin vit l’un de ses moments les plus délicats de son histoire.
I- CHRONIQUE D’UNE DESCENTE AUX ENFERS
Depuis le 21 Février 2019, l’ensemble des partis de l’opposition ont reçu notification et avec eux, l’ensemble de l’opinion publique nationale et internationale de ce que les partis représentatifs de l’opposition ont été exclus du droit de participer aux prochaines élections législatives. Chacun pour des raisons différentes, mais tout concourant à un même but : l’exclusion de tout parti autre que ceux de Talon, du droit de compétir aux joutes électorales législatives prochaines.
Depuis hier, les choses se sont encore plus précisées. Le verdict de la CENA a livré son contenu. Seuls sont admis à compétir aux prochaines élections législatives les deux Partis – Union Progressiste et Bloc Républicain- créés par le Bonaparte et élus à ses festins. Nous nous trouvons désormais devant l’institution au Bénin d’un Parti Unique en deux fourches.
Peuple béninois,
Mes chers compatriotes
Cette situation, comme tout le monde sait, n’est que l’aboutissement d’un long processus enclenché par le Gouvernement de Patrice Talon depuis son accession au pouvoir et dont je veux rappeler certains des jalons principaux :
En effet, devant nous, dès son installation au pouvoir, le Président Talon s’est, par des mesures sans pareil dans le passé, accaparé des principaux leviers de production du pays devenant le plus grand patron d’entreprise du pays et par le fait même qu’il est Chef d’Etat, Chef de Gouvernement, chef de l’administration d’Etat, il cumule en ses mains le pouvoir économique et le pouvoir politique. Dans la foulée, il s’est emparé d’un coup de main, d’un important domaine d’Etat jouxtant son domicile privé.
A l’époque la réaction méritée à ce hold-up n’était pas au rendez-vous.
Devant nous, le Président Talon s’est attaqué aux conditions de vie et d’existence des petites gens de ce pays par la ruine et la destruction, et sans mesure de compensation, des petits ateliers et petits endroits de production dans les villes et campagnes.
Devant nous et de cette position de joueur et arbitre du jeu, de patron du privé comme du public, il fallait pour prospérer, museler le citoyen, museler le peuple travailleur pour l’empêcher de crier la faim, de dénoncer l’exploitation sauvage et les crimes en commission directe. A travers la HAAC, des organes de presse ont été interdits. Il prit ou fit adopter par un parlement godillot, des règlements ou des lois assassines des libertés d’association, d’expression, de manifestation et de presse, des mesures anti-sociales, telles la suppression ou la limitation du droit de grèves, des mesures affectant gravement le contrat de travail et les conditions générales du salarié, qu’il soit du secteur public ou privé. Il fit adopter un Code numérique et Code pénal réprimant toute expression libre des citoyens notamment toute manifestation de rue ou toute parole libre sur des réseaux sociaux. Je citerai quelques exemples telles la loi N° 2017—05 du 29 Août 2017 portant embauche, placement de main-d’œuvre et résiliation de contrat de travail en République du Bénin, la loi 2018-15 portant Code pénal du 5 mai 2018 ; lois retirant le droit de grève à certains corps de la fonction publique.
Dans la foulée, il créa une Cour d’Exception, appela CRIET. Des condamnations arbitraires ont été prononcées et des patriotes et démocrates jetés en prison. Les cas de Laurent METONGNON et co-accusés, le cas des KOROGONE etc. ont été enregistrés sans oublier ceux des AJAVON etc.
Il y eut la réprobation, des réactions certes, mais encore pas à la mesure des crimes commis.
Devant nous, il fit arrêter un processus démocratique de désignation des doyens et autres directeurs des entités d’universités de notre pays et nommer à leur place, des doyens godillots pour le musellement total du monde universitaire.
Enfin devant nous, pour couronner tout cet édifice, il a tenté de modifier le Contenu de notre Constitution en une forme autocratique. Par deux fois en avril 2017 et en septembre 2018 ; il a essayé et essuyé des échecs. Et devant l’opinion publique nationale et internationale, il a juré de le faire à la première occasion, c’est-à-dire dès qu’il aura acquis une majorité des 4/5 au parlement à sa dévotion.
Depuis ce moment, le Président Talon avec une détermination sans pareille vue sous nos cieux, a résolu non seulement de décider des partis devant exister dans notre pays, mais encore de choisir lui-même les députés devant siéger au Parlement. Ainsi il cumulerait directement et le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Et comme il s’est déjà vassalisé le pouvoir judiciaire, le tour est bouclé et nous nous trouvons en plein dans le despotisme césarien.
Le peuple a encaissé tous ces coups, ces agressions successives sans réactions à la hauteur des crimes commis, comme groggy par la puissance des coups assénés. Certains mêmes victimes aujourd’hui de ces mesures, ont voté ces lois meurtrières, ont été des instruments d’assassinat de notre Démocratie.
Et pour ce qui arrive en ce moment, l’exclusion de tous les partis représentatifs de l’opposition du droit de participer aux élections législatives le Gouvernement de Talon procède en deux temps :
Dans un premier temps, c’est l’exclusion financière et dans un second temps l’exclusion administrative.
En effet, avec l’adoption le 26 juillet 2018, par sa majorité à l’Assemblée nationale, de la loi 2018-23 portant nouvelle Charte des Partis politiques au Bénin et le 03 septembre 2018, de l’adoption de la loi 2018-31 portant code électoral en République du Bénin, il est clair que le Gouvernement Talon a voulu procéder par l’argent, à faire disparaître les partis représentatifs des couches populaires et à exclure tout citoyen ou tout parti ne possédant pas de moyen financier de toute participation aux élections législative et présidentielles. Avec le coût exorbitant des frais d’enregistrement des partis politiques, puis le coût faramineux des cautions à payer pour participer aux élections législatives (249 millions CFA soit 380.000 Euros), nous sommes en plein dans un vote censitaire au Bénin. L’ouvrier, le paysan, l’artisan, tout représentant des couches populaires, la grande majorité du peuple sont exclus du droit de représentation à l’Assemblée nationale.
Ensuite, les partis à la dévotion du despote ont procédé à l’achat massif de cartes d’électeurs, ils se sont mis en campagne précoce. Mais rien n’y fit.
Tout cela n’a pu résoudre le problème du gouvernement de la Rupture, confronté à une réalité : la perte de toute crédibilité au sein de l’opinion publique.
Toute élection quelque peu crédible et transparente, conduirait à la débâcle sans appel du camp de Talon aux prochaines élections législatives, et du coup à la débâcle politique de Talon lui-même. D’où le recours à cette mesure extrême : l’exclusion par des mesures administratives, (l’institution illégale d’un certificat de conformité, l’exigence d’un quitus, les chicaneries administratives, etc.) de l’opposition de la participation aux élections : c’est-à-dire le recours à l’exclusion administrative.
Avec la mesure d’exclusion des partis de l’opposition de la participation aux prochaines élections législatives, avec l’institution d’un Parti Unique, c’est la fin des conquêtes démocratiques obtenues dans la lutte contre la dictature de Kérékou-PRPB. Avec cette mesure, si elle passe, c’est le pouvoir laissé au Président Talon de nommer les prochains députés pour représenter le peuple à l’assemblée nationale avec toutes les conséquences que l’on imagine.
C’est la reconduction en pire des Criminels, la Bande des Gbadamassi et autres Okunlola pour constituer le Bloc de la majorité Parlementaire des 4/5 exigés pour le Changement de notre Constitution et l’imposition d’une Constitution autocratique ; c’est le renforcement d’un pouvoir dictatorial de type césarien jamais connu auparavant sous nos cieux ; c’est la liquidation en froid de tout ce que notre peuple vaillant a pu contribuer à édifier patiemment dans les pleurs et le sang pendant 30 ans. C’est la descente aux enfers avec toutes les conséquences dramatiques pour notre pays, notre peuple, pour sa jeunesse courageuse et contrainte au chômage.
Nous voici aujourd’hui au pied du mur ; sans aucune possibilité de recul en arrière.
Nous voici à la dernière frontière : celle au-delà de laquelle s’établit l’esclavage politique : cette frontière, c’est la négation du droit de suffrage : c’est le droit réservé au citoyen de sanctionner par son bulletin le gouvernement fautif, c’est le droit de désigner par un vote libre et transparent le représentant de son choix.
Et face à tous les crimes que commet le pouvoir de Patrice Talon contre le peuple, contre la liberté, contre le patriotisme, il restait au moins au citoyen cette arme qu’il entendait exercer : celui du bulletin de vote. Et c’est ce droit que vient de supprimer le pouvoir de Patrice Talon. C’est inacceptable !
II- QUE FAIRE ?
Béninois, Béninoises,
Mes Chers Compatriotes,
Devant une telle situation dramatique, devant une telle épreuve que puis-je vous dire ? On dit ordinairement qu’un peuple ne mérite que le gouvernement qu’il a ! Méritons-nous le gouvernement actuel ? J’ose répondre en votre nom à tous, « Non ! Le peuple béninois ne mérite pas ce régime. Alors je reprends pour vous cette pensée de Jean Jacques ROUSSEAU « Quand un peuple ne défend plus ses libertés et ses droits, il devient mûr pour l’esclavage ».
Notre peuple est-il mûr pour l’esclavage ? Certes non et toute l’histoire ancienne comme récente de notre pays l’atteste. Au prix de durs sacrifices, nos aïeux : Béhanzin, Bio Guerra, Kaba, Omolegbe dit Otoutou Bi odjo, Hounza et bien d’anonymes ont défendu la liberté, la dignité.
Pendant la courte période coloniale de 1894 à 1960 soit 66 ans, notre pays, la colonie du Dahomey a connu 24 gouverneurs soit une moyenne de deux ans et demie par gouverneur ; certains ayant fait à peine 3 mois.
Dans les temps récents, sous une autocratie noire, celle de Kérékou-PRPB, a été créé en 1977 le Parti Communiste du Bénin, qui avec le soutien du peuple, a pu survivre, s’organiser et a pu catalyser les énergies de l’ensemble du peuple pour abattre l’autocratie de Kérékou- PRPB en décembre 1989.
Tout cela constitue l’âme du Bénin. Oui, le Bénin a une âme et il est présomptueux de le braver et le nier. Et tous ceux qui se sont livrés à ces jeux, l’ont appris à leurs dépens. C’est le lieu de démontrer que notre peuple ne mérite pas le traitement actuel.
Dans la situation actuelle, certains de nos compatriotes- comme apeurés par les efforts et sacrifices à consentir, s’accrochent à l’intervention extérieure de toutes sortes telles la CEDEAO comme solution de sauvetage à notre problème au Bénin. Je dis à mon peuple. La CEDEAO est une excellente Organisation à renforcer ; c’est le cadre régional de toute vraie émancipation des peuples de la région, liés par de multiples liens historiques, culturels, économiques, politiques. Mais la détermination du sort de chacun des peuples composant cette Organisation régionale dépend de chaque peuple et nul autre ne peut assurer son bonheur en dehors du peuple lui-même.
Béninois, Béninoises,
Mes Chers Compatriotes,
Je ne puis vous promettre les fleurs, la joie et la tranquillité. Non. L’autocratie se défait toujours dans un combat acharné, dans la douleur, la sueur, peut-être des pleurs. Mon appel est à l’esprit de sacrifice, au don de soi, à l’esprit de générosité, à l’esprit de solidarité face aux dures exigences de l’heure. Mon appel est à l’effort, à la bravoure et à la détermination pour « vaincre la fatalité ».
La première chose que je demande à mon peuple, à toute la jeunesse piétinée et meurtrie, c’est de se lever pour dire non à l’inacceptable, non au pouvoir autocratique, pilleur et affameur de Talon ; non à la descente aux enfers de notre peuple ! N’écoutez pas des discours démobilisateurs du genre : « Soyez sereins ! Attendez nos directives ! Cela viendra ». Faites hontes à des propos de ce genre.
La deuxième chose que je vous demande c’est l’union et l’unité de tous dans les circonstances actuelles qui promettent d’être faites de sacrifices et de douleur, mais qui nécessairement aboutiront à la défaite du pouvoir de Talon et à la victoire du peuple.
C’est le lieu de saluer tous ceux qui déjà spontanément se sont levés dans nos villes, dans nos contrées prochaines ou lointaines, pour dire « Non » Ca ne passera pas au Bénin. Je salue ceux qui se lèvent déjà dans ces initiatives courageuses diverses pour s’opposer à l’imposture et pour dire « non à l’exclusion des partis de l’opposition aux prochaines consultations électorales ».
Je m’incline devant des morts déjà enregistrés.
J’en appelle à la multiplication et au renforcement de ces actions. J’en appelle à tous les ouvriers, travailleurs licenciés et/ou simplement privés de leurs salaires depuis des mois, aux paysans et aux cotonculteurs spoliés, aux vendeurs déguerpis et ruinés, aux artisans accablés par de lourdes taxes, aux opérateurs économiques, confrontés à l’acharnement fiscal quotidien, aux étudiants meurtris et piétinés pour qu’ils s’engagent résolument dans le combat en vue de la satisfaction de leurs exigences catégorielles et pour la sauvegarde de notre Démocratie détruite.
Je demande que de partout, le peuple s’organise en des comités divers dans les villages, arrondissements, dans les communes, les administrations et utilisent tous les moyens légaux et légitimes en vue de restaurer la démocratie si dangereusement mise à mal au Bénin.
Enfant du Bénin, debout !
Nous vaincrons !
Cotonou, le 06 mars 2019.
Philippe NOUDJENOUME
Premier Secrétaire du Parti Communiste du bénin
Président de la Convention patriotique des Forces de Gauche.