A propos du Discours d’investiture du Candidat Boni YAYI
BONI YAYI PROMET LA REFONDATION LEGALE
DE LA DICTATURE ET DE LA TYRANNIE
Boni YAYI a procédé à son auto-investiture comme candidat à sa propre succession le samedi 29 janvier 2011. Les travailleurs, la jeunesse et le peuple ont pu observer avec horreur le flot d’argent distribué fébrilement à tour de bras pour payer les participants à cette cérémonie. Boni YAYI et ses soutiens auront démontré encore une fois leur capacité à détourner l’argent public et utiliser leur fonction pour tenter d’intimider les travailleurs et les peuples.
Mais, ce qui peut écœurer tout béninois honnête et aspirant à l’émancipation de son pays, c’est le contenu du discours d’investiture prononcé par le candidat Boni YAYI. Ce discours est en deux parties : une sorte de bilan et les perspectives.
Ainsi, pour le bilan, il déclare : « Au moment de considérer le rôle que vous me proposez de jouer dans le futur proche, je crois utile de rappeler les défis que nous avions à relever il y a cinq ans déjà… d’apprécier les circonstances dans lesquelles s’est exécuté le contrat en cours d’achèvement… et d’en tirer les leçons pour mieux évaluer le chemin à parcourir… » (Cf. le journal « L’ACTUALITE » n° 293 du lundi 31 janvier 2011). Ce bilan, Boni YAYI le trouve évidemment élogieux et à son avantage. Il déclare : « Les mesures ayant induit une amélioration sensible des conditions de service des agents de l’Etat, celles visant à atténuer les souffrances des populations et les nombreuses réalisations d’infrastructures ainsi que les chantiers en cours sont édifiants » (sic). Ces mesures ont « transformé le visage de la pauvreté »… « permis de jeter les bases de la révolution verte »… « redonné vie à l’école béninoise » … « contribué à maintenir un climat de paix au sein de nos communautés » (sic).
Ainsi donc, pour Boni YAYI, les bases de la révolution verte (dans l’agriculture) sont jetées, l’école béninoise a repris vie, un climat de paix règne au sein des communautés ! On croit rêver ! C’est ainsi dit par Boni YAYI.
Mais, pourquoi donc tant d’hommes et de femmes de ce pays sont déçus ? !
Boni YAYI répond : « Les populations des villes et des campagnes ont encore des raisons objectives de désespérer de leur classe politique. Elles ont des raisons d’être déçues de la haine et de la méchanceté qui nous détournent des vrais problèmes de la Nation ». Et de cette affirmation (de haine et de méchanceté), Boni YAYI tire la conclusion : « Il y a, à ce titre urgence à réduire les dérives liées à nos lois et aux facteurs humains » (souligné par nous). Car, poursuit-il, « notre pays traverse depuis longtemps une crise de valeurs, la perte de nos repères » et de mettre en cause « l’argent devenu notre maître ». Et de la lutte contre la corruption, Boni YAYI dit « Force est de constater que les résultats sont encore mitigés parce qu’il y a une tolérance sociale qui protège et développe ces pratiques criminelles ».
Parlant de l’affaire ICC, Boni YAYI qui avait promis rembourser les épargnants spoliés s’en remet à son second mandat sollicité. « J’en ferai alors une grande priorité dès le début du deuxième mandat sollicité » (sic).
Poursuivant son diagnostic, Boni YAYI estime que « Notre loi fondamentale a révélé certaines insuffisances qu’il conviendrait de combler… Elle ne comporte pas de dispositions spécifiques pour prémunir des blocages des actions de développement de notre Nation. Notre loi suprême devrait aider à mieux assurer l’Etat de droit, raffermir l’autorité de l’Etat… » (sic).
Boni YAYI conclut qu’il va « refonder la République ! ». Comment ?
C’est le contenu de la deuxième partie de son discours où il esquisse « quelques traits saillants pour les douze premiers mois ».
« Je souhaite mettre en route au cours des douze premiers mois la transformation politique, sociale et économique du Bénin ». Cela portera « notamment sur la Constitution, le système partisan, notamment la charte des partis, le financement des partis, le statut de l’opposition… le mode de gouvernance… ».
La révision de la Constitution doit permettre de limiter les libertés au nom de la responsabilité. Ainsi, Boni YAYI s’engage à ce que le « droit légitime de grève…ne soit pas abusivement utilisé » (sic), lutter contre « l’aspiration trop poussée de certains responsables de média à s’enrichir ». En ce qui concerne les partis politiques selon Boni YAYI, « l’obligation constitutionnelle doit être faite aux partis politiques de s’organiser autour d’un projet de société propice au développement durable, à la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption »… « Par ailleurs la charte des partis sera revue pour renforcer leur envergure populaire et nationale…en d’autres termes, le parti doit être représentatif des différentes couches et composantes de la Nation et être présent dans les différentes régions de notre pays et avoir une vision nationale de vivre collectif ».
On peut arrêter là car l’essentiel est dit. Le reste, Boni YAYI promet « le bonheur pour tous, le bonheur pour toutes les familles, le bonheur pour tous nos braves travailleurs » (sic). Quiconque lit ce discours, mis à part ceux qui profitent du pouvoir corrompu actuel, ne peut que s’indigner devant tant de mensonges, tant d’hypocrisie, tant de myopie, tant d’incapacité étalée à gouverner le pays au profit des travailleurs et des peuples.
Tenez ! Reconnaître qu’il y a « cinq millions de concitoyens encore analphabètes » et déclarer tout de même que « l’école béninoise a repris vie ! », se taire sur les énormes scandales de corruption où sont impliquées les autorités au sommet de l’Etat y compris soi-même, le Chef de l’Etat, et attribuer cette corruption amplifiée seulement à la « tolérance sociale qui protège et développe ces pratiques criminelles », c’est non seulement du mensonge, de l’hypocrisie, mais surtout la preuve de son incapacité à lutter contre ce fléau.
Reconnaître qu’il y a cinq millions d’analphabètes, soit plus de 60% de la population du pays, et déclarer que « les bases de la révolution verte (dans l’agriculture) sont jetées », que « la phase de transition » du pays « vers l’émergence » est terminée, c’est non seulement du mensonge, mais encore étaler son incompétence à continuer de diriger le pays.
Parler d’un climat de paix au Bénin d’aujourd’hui, c’est non seulement faux, mais plus grave, banaliser les crimes odieux d’enlèvements encore non élucidés (celui de DANGNIVO), les assassinats crapuleux dont ceux de magistrats, d’anciens ministres, de paisibles citoyens, les arrestations et détentions arbitraires de rois, de hounnon et de citoyens (dont certains croupissent à la prison de Lokossa pour leurs opinions politiques).
Parler de la responsabilité des médias et des aspirations de leurs chefs à s’enrichir et oublier l’hystérie du pouvoir de changement à contrôler tous les médias y compris par l’achat de leurs dirigeants, c’est plus que de l’indécence. C’est de l’immoralité.
Aborder la ruine des centaines de milliers de citoyens spoliés avec la complicité des autorités de l’Etat par des instructions « illégales » (mais tolérées et soutenues par des ministres d’Etat), en taisant cette complicité de l’Etat sous Boni YAYI, c’est montrer que l’escroquerie s’est définitivement installée au sommet de l’Etat. Et rejeter maintenant à son second mandat le remboursement maintes fois promis auparavant à ces spoliés avant les élections, eh bien ! c’est se transformer en maître-chanteur : si vous voulez être remboursés, votez pour moi !
De façon générale, Boni YAYI ne revient sur aucune des aspirations réelles des travailleurs et des peuples et qui ont été à la base des conflits avec son pouvoir durant son règne. Il ne connaît pas les motivations d’émancipation des travailleurs et des peuples dans leurs luttes pour empêcher KEREKOU III de demeurer au pouvoir après 2006.
Il pensait (et il l’a dit) qu’il faut serrer la vis aux travailleurs et au peuple béninois, instaurer un régime tyrannique et corrompu à la Ben Ali de Tunisie, Feu Gnasigbé Eyadéma du Togo ou Paul Biya du Cameroun. C’est le pas que Boni YAYI a amorcé au cours de son premier mandat avec l’arbitraire, la corruption, la répression, l’envoi de la troupe contre des grévistes manifestants et contre le siège des centrales syndicales, la fusillade des étudiants sur le campus d’Abomey-Calavi, les procès et les assignations en justice contre les organisations protestataires d’étudiants (UNSEB) et les syndicats, des journalistes. Il lui faut à tout prix abolir le droit de grève avec le montage de briseurs de grève, la répression policière et judiciaire avec de nombreuses assignations et procès en justice. Lorsque la police officielle ne réussit pas, des miliciens dits patriotes ou des conseillers techniques comme AMOUSSOUGA Géro Fulbert n’hésitent pas à tirer eux-mêmes sur une foule d’étudiants manifestants.
La révision de la Constitution pour la « Refondation de la République », c’est pour légaliser l’arbitraire, la répression, les entraves aux libertés de manifestation, de grève, de presse, d’association en partis politiques.
Ainsi, Boni YAYI dit que le parti politique de son goût, dans sa « République refondée » doit être représentatif des différentes couches et composantes de la Nation ! Vouloir imposer par la loi la composition de classe des partis, c’est de l’arbitraire, du fascisme. Un parti politique dans une République démocratique est représentatif de couches et classes sociales dont il entend défendre les intérêts au pouvoir. On ne peut imposer par la loi que le parti politique soit représentatif des différentes couches et composantes de la Nation sans tomber dans l’arbitraire et les entraves à la liberté d’association. On ne peut, par une loi, vouloir renforcer l’envergure populaire et nationale des partis. Ce serait là une loi de l’arbitraire, une volonté fasciste.
Tout cet acharnement vise à museler les travailleurs, la jeunesse et les peuples pour que règnent et fleurissent les vols scandaleux, le pillage et les bradages des ressources nationales. C’est pour que cessent même les protestations comme celles contre la braderie de Bénin-Télécoms au groupe français Vivendi via Maroc-Télécom ou du Port à Bolloré. Ces protestations contre les conditions de vie et de travail, ces rejets du pillage effréné et des braderies sans limite des ressources nationales, c’est cela que Boni YAYI appelle « blocages des actions de développement » et contre lesquelles il veut des « « dispositions spécifiques » dans une constitution à réviser au cours des premiers douze mois de son second mandat.
Au total
Boni YAYI veut légaliser la dictature et la tyrannie. C’est cela le contenu de la Refondation de la République qu’il nous promet.
Boni YAYI tourne le dos ainsi aux aspirations d’émancipation des travailleurs et des peuples. Il s’oppose frontalement à leurs aspirations à la démocratie, au pouvoir des travailleurs et des peuples, seul capable de restaurer les valeurs positives de nos cultures, de lutter efficacement contre la corruption, l’arbitraire, la confiscation et l’exercice personnel du pouvoir, le pillage et le bradage des ressources nationales ; seul pouvoir de permettre l’émancipation et le développement du pays.
Boni YAYI montre clairement, avec sa refondation, ses desseins de tyran et de dictateur fasciste. Il doit être chassé du pouvoir. Si par la fraude savamment organisée, il se maintenait avec les élections prochaines, les travailleurs et les peuples sauront retrouver la voie de 1989 que le peuple tunisien vient de restaurer de manière magistrale.
Jean Kokou ZOUNON