ADRESSE IX
Aux travailleurs et au peuple en lutte

MEPRISER LES SORDIDES MANŒUVRES DE DIVISION DU PEUPLE EN LUTTE POUR SA LIBERATION

 

Travailleurs, peuple du Bénin
Tout le monde a suivi le show-télévisé organisé à l’issue de la rencontre du Chef de l’Etat Patrice Talon avec les Confédérations syndicales le mardi 06 Février 2018 au Palais de la République. Je ne vais pas épiloguer sur les nombreuses affirmations et élucubrations qui, ou sont mensongères ou révèlent le caractère fasciste de l’auteur.
Je traiterai seulement du principal angle d’attaque de Talon lors de la rencontre avec les confédérations syndicales et qui peut se formuler ainsi :


- Les fonctionnaires constituent une minorité « privilégiée » qui veut s’accaparer toutes les richesses du pays au détriment de la grande majorité notamment les couches paysannes ; satisfaire leurs revendications, conduirait à priver la grande majorité de la population du bien-être : pas d’eau pour la population, pas d’électricité ; pas de routes pour les producteurs pour évacuer les produits, pas d’écoles et de cantines scolaires, pas de centre de santé pour les plus pauvres. La grève c’est contre tout cela, contre cette grande majorité de la population.
Ainsi le Président Patrice Talon au cours de ses quatre heures de soliloque, se pose en défenseur du peuple contre une minorité « d’insatiables privilégiés qui prend en otage la grande majorité» ! L’objectif est clair ! La manœuvre est très limpide : monter la population contre les travailleurs, notamment les travailleurs de la fonction publique. Diviser ainsi les rangs du peuple en lutte pour son émancipation.
La problématique développée ici par Patrice Talon rejoint celle de « l’intérêt général ». Il s’agissait pour le pouvoir de la Rupture et ses zélateurs de présenter tous ceux qui vont en grève - notamment les magistrats et agents de santé, les enseignants – comme œuvrant à l’encontre de l’intérêt général. Cette propagande déjà combattue dans ma deuxième adresse aux travailleurs et au peuple en date du 11 Janvier 2018 refait surface sous d’autres formes, celle présentée ci-dessus.
Travailleurs, peuple du Bénin.
Les faits contredisent nettement cette assertion et ceci pour trois raisons :
1°-La première : Cette minorité constitue l’encadrement administratif non seulement de la grande majorité, mais de toute la population du pays. Les paysans ne peuvent avoir le bien-être promis par Talon que par son intermédiaire. En clair, la majorité ne peut jouir des investissements économiques et sociaux que par l’intermédiaire de cette minorité : c’est grâce à elle qu’il y aura les routes, qu’il y aura les écoles et l’enseignement dispensé aux enfants, les cantines, c’est grâce à cette minorité que la grande majorité de la jeunesse peut recevoir la formation, que la grande majorité peut être soignée dans les centres de santé. C’est grâce à cette minorité que les ressources (impôts) sont collectées, c’est grâce à cette minorité que la majorité peut jouir de la sécurité (police) et vaquer paisiblement à leurs activités de production ; enfin c’est grâce à cette minorité que la grande majorité peut avoir le droit de se faire rendre justice devant les tribunaux etc. c’est grâce à cette minorité que l’intérêt général peut être assouvi au profit de tous. En résumé sans cette minorité aucun programme de gouvernement si beau soit-il ne peut être réalisé. C’est dire que cette minorité (appelée administration ou bureaucratie) est si consubstantielle à l’Etat lui-même que celui-ci ne saurait se fâcher contre elle, ne saurait assurer sa survie sans elle. Comme on dit dans un adage populaire « On ne se fâche pas avec la douche».
2°- La deuxième raison : La minorité de la population que constituent les fonctionnaires, dans le cadre d’un pays à caractère encore solidariste comme le nôtre, nourrit une proportion non négligeable de la population. Chaque élément de la minorité a sous sa dépendance au moins une dizaine de parents qui dépendent de lui. Ce qui est aggravé par le chômage généralisé de la jeunesse et les liquidations-suppressions d’entreprises, qui font revenir une cohorte de personnes à la charge des fonctionnaires. Par ailleurs, du point de vue économique, tous les revenus salariaux que gagne cette minorité entretiennent la consommation intérieure et accroissent le marché intérieur.
3°-La troisième raison : Pour mieux servir la majorité, pour assurer mieux les besoins d’intérêt général de tous, cette minorité doit jouir de bonnes conditions de vie et de travail pour elle et aussi pour les usagers des divers services publics. Lorsque l’agent de santé veut du matériel technique pour mieux soigner les malades et va pour cela en grève, lorsqu’il s’oppose à la privatisation de l’hôpital, il ne défend pas des intérêts catégoriels mais la grande majorité. Il en est de même de l’enseignant qui revendique le recrutement et la qualification d’enseignants, la fin du système de précarité avec des vacataires, ou des salaires décents ou du magistrat qui défend comme principe l’indépendance de la justice vis-à-vis du gouvernement etc.
En s’opposant aux privatisations (sous diverses dénominations) du secteur de la santé, de l’administration publique, du port etc. patrimoine commun de tous, cette minorité défend la grande majorité car, privatisés, ces secteurs renchériront les coûts de services et aggraveront les conditions de vie de la grande majorité de la population.
Du reste, si l’on sait que ce n’est pas cette minorité qui a opéré des casses contre les petites gens de notre pays, qui a créé de nombreuses taxes à l’encontre des petites gens des villes et des campagnes, qui pille impunément les ressources publiques, qui par les suppressions des organismes d’administration publique, a mis en chômage de milliers de pères et mères de familles etc., on voit bien que les causes de cette minorité avec l’ensemble du peuple sont communes et leurs luttes doivent être dirigées contre des prédateurs.
La manœuvre de tentative de division et d’opposition de l’ensemble du peuple aux travailleurs de la fonction publique menée par Patrice Talon, cache mal la politique du prédateur national assis au pouvoir pour dépecer méthodiquement l’ensemble du patrimoine national au profit de son empire financier. Ses tentatives de démentir les salaires mirobolants des ministres et collaborateurs, agités à travers les réseaux sociaux n’ont fait que confirmer ce qui est.
Travailleurs de mon pays !
Au regard de cette réalité, au regard de l’aveu fait par Patrice Talon selon lequel il est à l’origine des lois fascistes de retrait de droit de grève, vous êtes justifiés à poser les exigences qui sont les vôtres en termes de libertés démocratiques, en termes de salaires décents, en termes de non privatisation des administrations et entreprises stratégiques. La satisfaction de certaines de vos revendications, si en effet elle devrait entraver la réalisation des investissements au profit de la majorité, pourra être discutée, si et seulement si sous le mode participatif, le peuple est associé à la définition des objectifs économiques, au suivi et contrôle des processus de réalisation. Ce qui autorisera des sacrifices bien compris, pour tous sans exception, acceptables pour les nécessités du développement.
Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui où pendant qu’il est demandé au peuple de serrer la ceinture, les dignitaires du clan Talon (une infinitésimale minorité) la desserrent en s’accaparant des secteurs vitaux et ressources du pays et en s’empiffrant sur le dos du peuple tout en réprimant tous ceux qui osent dénoncer ce fait, et tout en menaçant d’instaurer dans notre pays un régime autocratique.
Voilà qui est inacceptable. Il n’existe donc aucun autre salut aux travailleurs et à l’ensemble du peuple que de poursuivre le combat, en méprisant toutes les manœuvres dilatoires- pour sauver le pays, le seul patrimoine commun.
Je vous remercie

Cotonou le 09 Février 2018

Cliquer ici pour télécharger l'intégralité de cette adresse