Crime des colonialistes en Afrique
Sylvanus olympio, Amilcar Cabral et Patrice Lumumba assassinés en janvier
Patrice Lumumba
Dans les luttes de libération nationale du joug des colonialistes européens, trois dirigeants Patriotes africains ont été assassinés dans le mois de janvier. Il s’agit de Patrice Emery Lumumba, Sylvanus Olympio et Amilcar Cabral. En effet, Patrice Emery Lumumba de son vrai nom Elias Okit’Asombo, a rejoint les rangs des « évolués », la petite population d’indigènes que le pouvoir belge consent à laisser s’élever dans la société coloniale. En 1958, il professe des opinions clairement anticolonialistes et il fonde à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) le Mouvement National Congolais, un parti nationaliste, unitaire. Quelques semaines plus tard, Il assiste à la Conférence des peuples africains, où il croise notamment Frantz Fanon, alors rallié au Front de Libération National (FLN) algérien, et le Ghanéen Kwamé Nkrumah – des rencontres qui marqueront un tournant essentiel dans sa pensée politique. Désormais résolument favorable à l’indépendance, il sera arrêté par les autorités belges au début de 1960. Son arrestation et le front uni des leaders congolais face au pouvoir de Bruxelles, précipiteront la marche vers l’indépendance, fixée au 30 juin 1960. Libéré, il remporte avec son parti les premières élections libres du pays et est nommé Premier ministre.
Le jour de l’indépendance, il répond avec force au roi Baudoin de Belgique qui venait de saluer l’œuvre colonisatrice de son ancêtre, Léopold II. Humilié et inquiet de le voir se rapprocher du Bloc de l’Est, le gouvernement belge fomente une rébellion dans la riche région du Katanga, contre les aspirations unitaires de Lumumba. En septembre 1960, le gouvernement Lumumba est renversé par un coup d’Etat mené par Joseph-Désiré Mobutu avec le soutien de la CIA. Lumumba est assigné à résidence. Après s’être enfui, il est rattrapé, puis livré avec la complicité des autorités belges aux rebelles du Katanga qui l’assassineront avec deux de ses compagnons, à l’âge de 35 ans le 17 janvier 1961. Son corps sera découpé puis dissout dans de l’acide sulfurique. Dans les années 2000, un policier belge avouera avoir participé à l’opération et avoir conservé une dent du leader indépendantiste, dont la justice belge ordonnera en 2020 la restitution aux enfants de Lumumba. 60 ans après, Patrice Lumumba a enfin reçu une sépulture officielle dans son pays.
Martyr de l’indépendance congolaise, Patrice Lumumba est devenu très vite après sa mort une icône internationale de la décolonisation. En 1962, l’URSS baptise de son nom l’Université de l’Amitié des Peuples. Le jour de sa mort le 17 janvier est journée fériée en République Démocratique du Congo (RDC). Sa destinée fulgurante et tragique a inspiré plus d’un créateur, le cinéaste Raoul Peck deux films, et le dramaturge Wole Soyinka le joue sur scène, et de nombreux musiciens lui dédient des chansons, comme Tiken Jah Fakoli, Myriam Makeba etc.
Sylvanus Olympio
Les assassinats et les crimes des colonialistes ne s’arrêtent pas là contre de dignes fils de l’Afrique pétris de patriotisme. Dans la liste des victimes d’assassinat en Janvier se trouve Sylvanus Olympio. Dès les années 1940, il est considéré comme le principal initiateur d’un courant autochtone soucieux de l’avenir du Togo qui va devenir indépendantiste. Il est polyglotte, il parlait Ewé, Guen, Allemand, Anglais, Français, Portugais, Yorouba, etc. Pour contrer l’évolution indépendantiste du Parti Comité d’Unité du Togo (CUT), l’administration française fait muter Olympio à Paris par son employeur, fomente une scission et un concurrent au sein du CUT puis le traduit en justice ; on lui réclame cinq millions de francs d’amende et lui ôte ses droits civiques. Le 8 décembre 1946, ce militant indépendantiste a été élu député et président pour 5 ans de la première assemblée représentative du Togo, après que son parti (le CUT Comité pour l’Unité Togolaise) a remporté la très grande majorité des sièges. La position indépendantiste adoptée par Sylvanus Olympio correspond aux aspirations des Togolais. Ainsi, le 21 juin 1957 à Pya-Hodo, en pays kabiyè, la population manifeste son ras-le-bol contre l’Administration coloniale française. La troupe coloniale sur ordre de l’adjoint au commandant de cercle, tire sur la foule réunie au marché. Ce fut un massacre ! Les colons français croyaient cette région acquise à leur cause. Les victimes étaient des manifestants favorables à l’indépendance immédiate du Togo, une position défendue par le parti du Comité de l’Unité Togolais (CUT) et sa composante juvénile la Juvento. Des soulèvements anticoloniaux, favorables à l’indépendance du Togo ont éclaté à Vogan, Mango et ailleurs à l’échelle du territoire togolais. Toutes ces manifestations ont fait l’objet de répressions sanglantes de la part de la France coloniale. Il s’en est suivi beaucoup de pertes en vies humaines. Presque un an après cette répression et d’autres révoltes, des habitants dans beaucoup de régions sous la direction de Sylvanus Olympio plus précisément le 27 avril 1958, gagnent l’indépendance du Togo avant qu’elle soit consacrée le 27 avril 1960. Le Patriote Sylvanus Olympio déclare juste après l’indépendance du Togo : « Je vais faire mon possible pour que mon pays se passe de la France. » Ces propos sonnent mal dans les oreilles du Président de Gaulle et de Jacques Foccart, son conseiller aux affaires africaines, qui disent que ce dirigeant africain apparaissait comme totalement indomptable. Il est devenu Premier président de la République togolaise le 15 avril 1961. Une fois au pouvoir il met les citoyens du Togo au centre de toutes les préoccupations et non les intérêts occidentaux. Il prône la rupture avec le franc CFA (Franc des colonies françaises d’Afrique), théorise et défend une autonomie de battre monnaie, la construction d’infrastructures pour rendre viable l’économie togolaise notamment un port autonome à Lomé, la révision des contrats miniers notamment celui sur le phosphate que la France exploitait gratuitement depuis de longues années déjà, l’absence de coopération militaire avec la France car le Togo entendait construire une armée faite uniquement de gendarmerie et de police, le développement accéléré des secteurs clés à savoir : l’agriculture pour nourrir les populations, la santé et l’éducation. Cette vision de Sylvanus Olympio ébranle et déroute la France. Pour reprendre le contrôle du Togo, la France mobilise des soldats qui avaient combattu en Algérie et dont le président Sylvanus Olympio avait refusé l’intégration dans l’armée togolaise. Ces derniers débarquent au domicile de Sylvanus Olympio où ils ne trouvèrent que son épouse. Caché, il leur échappe et parvient à se réfugier dans un véhicule garé dans l’enceinte de l’ambassade américaine qui jouxte sa résidence. Le lendemain tôt le matin, le 13 janvier 1963, les soldats sont revenus extraire le président togolais de l’ambassade des États-Unis, sur instruction des agents de Foccart informés de la cachette par l’ambassadeur des USA pour l’exécuter devant le portail. Après l’assassinat de Sylvanus Olympio, la France confie le pouvoir à son beau-frère, Nicolas Grunitzky battu aux élections législatives de 1958 et favorable au maintien du Togo sous le joug colonial.
Amilcar Cabral
Quant à Amílcar Cabral, également connu sous le pseudonyme Abel Djassi, il est un homme politique de Guinée-Bissau et des Îles du Cap-Vert. En 1953, il quitte Lisbonne pour son Afrique natale après ses études d’Agronomie. Pour Cabral, le « rôle de l’étudiant africain », la première tâche à entreprendre pour la jeunesse instruite c’est « la ré-africanisation des esprits » : La politique coloniale qui repose sur le déracinement du natif doit être rejetée et l’Africain doit se sentir africain et s’exprimer comme tel. Il est le fondateur du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, PAIGC (Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde) en septembre 1956. Il dirige une lutte des travailleurs du Port de Bissau. Cela se solde le 3 août 1959 par un massacre sur les dockers de Pidjiguiti. Plus d’une cinquantaine de dockers ont été tués par les forces coloniales portugaises et il a été dénombré plus de cents blessés. Ce drame a constitué « un tournant dans la réflexion et la stratégie dans la lutte des nationalistes révolutionnaires ». Panafricain de cœur, il l’a été dès les premiers instants de son engagement. Il a fait la clandestinité pendant plusieurs années. Il était aussi dans l’action et l’organisation concrète de la lutte pour l’indépendance. Il a dirigé la lutte armée contre le colonialisme portugais en 1963.
À l’évidence, il fallait à ses yeux briser le mur séparant l’archipel du Cap-Vert et la « Guinée portugaise », dans une stratégie qui lierait d’abord les colonies africaines du Portugal, pour déboucher sur des formes et des niveaux d’intégration continentale. Un rêve qu’avait aussi nourri le Ghanéen Kwame Nkrumah. Cabral a été assassiné à Conakry par la police politique portugaise le 20 janvier 1973.
Aujourd’hui, les idéaux de patriotisme que portaient ces leaders et dirigeants africains dans leurs luttes sont embrassés par la jeunesse africaine aux prises avec les néo-colons sur tout le contient. On assiste de plus bel à une montée du patriotisme panafricain avec des exigences claires, l’affranchissement total du joug de l’impérialisme sous toutes ces formes. De plus en plus les patriotes africains affirment dans leur lutte la fin du Franc CFA, le départ des bases militaires du continent telles les troupes Barkhane chassées du Mali, l’instruction dans les langues nationales africaines, une armée au service des peuples africains et non au service des colonialistes etc. Il est clair que les néo-colons et leurs valets doivent se considérer qu’ils ne sont plus sur un terrain conquis. Les matériaux s’amoncellent déjà et des pans de l’Afrique conquis par les colonialistes se libèrent avec des patriotes au pouvoir tel qu’on l’observe au niveau de la sous-région ouest-africaine. Avec le patriotisme à l’ordre du jour au plan panafricain, la libération totale et complète de l’Afrique de la domination, de l’exploitation des néo-colons qui gronde a emprunté un chemin de non retour. La jeune génération consciente des crimes commis sur le continent par les colonialistes fera cet exploit pour honorer la mémoire des dirigeants patriotes assassinés.
Afi Tossou