Point de presse de l’ODHP
Thème : « Etat des libertés, du droit à la vie, des droits sociaux et économiques, etc. des Béninois aujourd’hui. »
Chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs les défenseurs des droits de l’Homme et des Peuples,
Bonjour,
Je voudrais m’adresser à vous ce jour pour sonner l’alerte et appeler à regarder de plus près en vue de dénoncer les assauts contre les libertés publiques (réunion, expression, manifestations, etc.), les atteintes au droit à la vie notamment la faim qui tenaille les familles dans le pays et les suppressions de la vie.
Par ailleurs, les droits sociaux et économiques sont de plus en plus piétinés partout dans le pays. Nous allons simplement relever des faits pour illustrer ce qui se passe. Rappelons la campagne en cours pour la répression du non port de casque. Pour annoncer ladite campagne, le Directeur de la police nationale Soumaïla YAYA et ses collaborateurs disent ouvertement que « la répression sera rude ». Sans commentaire, il y a là une incitation au massacre des citoyens par les agents de police, « une déclaration de guerre contre le peuple ». Et ce qui se passe à travers le pays, avec la chasse aux Zém et aux usagers de la route, les morts d’hommes et d’enfant qui s’en suivent, le confirment. Comme si les drames déjà provoqués ne suffisaient pas, une deuxième phase de répression est annoncée pour après la fin du mois d’avril. On y reviendra.
Personne n’ignore que beaucoup de nos compatriotes sont encore en prison ou contraints à l’exil. Parmi les détenus politiques, on compte de nombreux jeunes élèves, étudiants, artisans, et autres. Et cela depuis trois ans et plus pour certains. Le Président de la République a promis de les faire libérer et dit avoir donné des instructions au Ministre de la Justice à cet effet depuis plusieurs mois. Pourtant, ils sont toujours en détention. L’ODHP est préoccupé et demande toujours leur mise en liberté immédiate. En attendant que cela se réalise au plus tôt dans l’intérêt des intéressés, des parents et du peuple, l’ODHP n’a jamais manqué de les assister matériellement et moralement autant qu’elle peut, sans tambour ni trompette. Il est temps qu’ils retrouvent leurs familles.
Il y a peu de temps, on a entendu des acteurs politiques se plaindre au Président de la République que des maires les empêchent de tenir des réunions. Tout le monde connait la réponse qui leur a été donnée. Il n’a pas été question que le ministre de la Décentralisation et son homologue de la Justice les rappellent à l’ordre ou que ces maires liberticides soient confiés aux Procureurs de la République. Depuis lors, ces atteintes aux libertés de manifester ou de s’exprimer n’ont pas cessé. Dans le Couffo (Toviklin) ou dans l’Atlantique à Allada, on a observé que des commissaires de police initient des tentatives d’intimidation ou de dispersion de conférences publiques ou encore des tentatives d’interpellation de chef de village ou de Chef d’Arrondissement sous le mobile qu’ils n’auraient pas empêcher la tenue de conférences publiques sur leur territoires.
Revenons à la question de répression des motocyclistes en cours. Les communiqués d’annonce sont des incitations au massacre, nous le répétons et le dénonçons vivement. Car, ce dont il s’agit devrait être une opération de contrôle. Mais sur le terrain, on observe des excès de zèle avec des coups et blessures sur des motocyclistes ou des passagers, ou des course poursuites qui finissent par des blessures ou des chutes qui entrainent des pertes de vie. Il n’y a qu’à tendre les oreilles pour entendre des témoignages affligeants sur ce genre de drames. D’autre part, on ramasse leurs motos qu’on jette sans ménagement dans les Pick-up ou les camions pour les convoyer dans les commissariats de police, ce qui entraine des casses sur ces engins, moyens de production de cette couche sociale.
Un des cas les plus tragiques se serait à Kétou avec la mort d’un enfant frappé sur la tête au dos de sa mère et qui aurait perdu la vie. Dans cette campagne agressive, il arrive des incidents regrettables comme celui intervenu à Azovè. Mais la police aggrave la situation en procédant à l’arrestation pendant un temps des parents du motocycliste qui aurait pris la fuite. Cela n’est pas admissible! Ce sont là, les méthodes propres aux régimes dictatoriaux. Ces forfaits qui conduisent à la suppression de vie contraignent les motocyclistes, les usagers de la route, les populations à la révolte, à des protestations légitimes.
Pendant qu’on n’en a pas fini de déplorer les abus et les pertes en vies humaines de cette campagne de répression, la police annonce une seconde phase devant commencer dès la fin du mois d’avril. On y parle de répression des surcharges pour les motocyclistes et les automobilistes. Et « la surcharge ne sera pas réprimée si l’âge du troisième passager est compris entre zéro et dix ans. » Il faut craindre de nouveaux abus et vexations. C’est pourquoi, l’ODHP invite les autorités de la police et le Gouvernement à en tirer les conséquences et mettre fin à ces exactions inacceptables. Car, la solution à la sécurité routière devrait être d’abord le développement du transport en commun et la subvention consistante pour rendre d’une part le transport et d’autre part l’achat de casque accessibles au grand monde. On n’oubliera pas le contexte dans lequel nous sommes. Le Chef du Gouvernement a avoué qu’on n’a pas besoin d’être un expert pour constater que la misère s’est installée dans le pays. C’est dire qu’il devrait logiquement et automatiquement venir en aide aux affamés et déshérités en toute urgence. Au contraire, chaque jour c’est la prise de nouvelles mesures qui entrainent un peu plus d’entraves et de souffrances pour les différentes couches sociales populaires. Qu’on ne vienne pas nous dire que les moyens manquent. Le coton est subventionné à hauteur de plusieurs dizaines de milliards par an ; des produits qui ne sont pas commercialisés par l’Etat mais qui en retour ne rapportent pas grand-chose dans les caisses, bénéficient des exonérations ou réductions d’impôt qui sont autant de manque à gagner qui auraient pu servir au financement du social.
Lorsqu’on jette un coup d’œil dans le secteur de l’éducation, c’est un véritable drame de pénuries et privations de toutes sortes qui suscitent des protestations et grèves des enseignants. On y continue de chasser les apprenants des cours pour non-paiement de contributions scolaires. C’est ahurissant et rétrograde en ce que ces contributions doivent être supprimées pour répondre au droit à l’instruction des fils du pays et aux engagements internationaux pris par le Bénin (ODD4, etc.) Au niveau des Etudiants, c’est désormais les services sociaux dont ils sont privés : transport, restauration, etc. Cela vient aggraver le tableau déjà sombre des exigences des enseignants, du personnel administratif et de soutien et des étudiants à l’avenir hypothéqué.
Dans le registre des atteintes aux droits de propriété des citoyens, il y a les expropriations pour cause d’utilité publique qui se poursuivent. Elles sont arbitraires, car elles se font sans juste et préalable dédommagement. Et des cas nouveaux viennent s’ajouter aux anciens. Il en ainsi à Togbin, à Akassato, à Ahouannonzon (à nouveau à Allada). Le Gouvernement tente des justifications qui ne tiennent pas la route et qui ressembleraient plutôt à des dépossessions à la limite de l’escroquerie des citoyens Béninois au profit d’investisseurs privés dans certains cas. Ces nouvelles expropriations succèdent à celles de Djako où les habitants ont été chassés, les maisons démolies pour y planter des cocotiers en leurs lieux et place, et à ceux de Glodjigbé et de Ahouannonzon où les populations sont expropriées contre 200f le mètre carré ou moins à eux imposés en guise de dédommagement.
Si on s’intéresse aux droits sociaux, on constatera que dans les hôpitaux et centres de santé, il y a des pénuries graves de produits essentiels. Récemment, il n’y avait pas de réactifs au CNHU, le plus grand centre hospitalier du Bénin, et ailleurs dans les centres périphériques de Cotonou pour les analyses de PSA. Un rapport d'audit vient d'être publié par le service d'inspection et de contrôle du ministère de la santé sur l'état de dégradation des soins de santé dans nos maternités et centres de santé où plus de 23 cas de décès ont été enregistrées.
Les travailleurs sont mal payés et la liberté syndicale entravée dans presque tous les secteurs, publics comme privés. Dans certaines entreprises comme GIDZ à Glodjigbé (Calavi) ou ATC à Allada, sur divers chantiers, etc., les ouvriers sont traités comme des esclaves, sous-payés et en deçà du SMIG pour bon nombre de ceux dits mensuels; mais en plus, ils seraient parfois frappés par le PDG en personne en ce qui concerne ATC. Et tout cela, bien sûr avec la bénédiction du Gouvernement ; car, les Ministres des petites et moyennes entreprises, du travail, le Ministre d’Etat chargé du dialogue social s’ils s’en préoccupaient, ils prendraient des mesures pour des solutions en faveur des ouvriers soumis aux brimades, à l’humiliation, à la torture mais dont le travail produit de la richesse pour les patrons. Evidemment, le Gouvernement autorise les investisseurs à venir au Bénin s’installer sans payer le moindre Kopeck d’impôt pendant 17 ans. Avec également, les avantages des lois scélérates telles celle sur l’embauche.
C’est inacceptable et les travailleurs et les ouvriers ont raison de protester de diverses manières et d’aller en grève comme cela s’observe. Ils doivent être écoutés pour la satisfaction de leurs revendications.
Ainsi que nous le disions à l’entame, le Gouvernement par ses diverses mesures, est comme en guerre contre le peuple et aucune couche n’est épargnée. L’ODHP dit que c’est préoccupant et c’est assez ! Il faut laisser le temps au peuple de souffler en atténuant la faim, la misère que lui-même reconnait et en amont mettre fin aux atteintes aux libertés, respecter la vie humaine. L’ODHP dit : Halte aux assauts contre les citoyens en proie à la faim ! Halte au massacre des motocyclistes et des usagers de la route. Halte aux menaces pour empêcher de dénoncer l’arbitraire et les abus de toutes sortes.
Face à l’arbitraire, face à la misère et à la faim, face à la suppression de la vie humaine, face aux traitements inhumains et dégradants, le peuple a le droit de résister et de riposter pour le bien-être social et un ordre nouveau plus juste et plus humain.
Fait à Cotonou le 08 avril 2024
Le Président
Me Aboubakar BAPARAPE