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ANALYSE CRITIQUE DE LA LOI PORTANT CADRE JURIDIQUE DE LA CHEFFERIE TRADITIONNELLE EN REPUBLIQUE DU BENIN.
La loi portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin été votée le 13 mars 2025 par l’Assemblée nationale.
Depuis des années, cette exigence portée par bon nombre d’institutions- intellectuelles et éducatives et personnalités bien pensantes de notre pays n’a jamais connu une quelconque réponse.
Il est évident qu’une loi ou texte juridique a pour objectif d’instaurer un bon ordre dans la cité, instaurer une harmonie entre les citoyens et les institutions existantes.
Mais à y regarder de près, la présente loi votée risque de créer plus de trouble et de désharmonie au sein des peuples et entre les peuples de notre pays ; peuples entendu ici au sens de communautés nationales ou ethniques identifiées comme telles dans notre pays.
Pour examiner la loi votée, nous devons nous référer aux prémisses (historiques, sociologiques) dont la société actuelle est le produit ; nous devons examiner d’où nous venons pour savoir où nous allons.
PREMIERE PARTIE : LES PREMISSES SUR LESQUELLES SE FONDENT NOS ANALYSES DE LA LOI PORTANT REGIME JURIDIQUE DE LA CHEFFERIE TRADITIONNELLE.
1°- Prémisses théoriques : Tout Etat fait la politique de son histoire et de sa géographie ; autrement dit tout Etat pour se développer se fonde sur ses traditions, sa culture et ses valeurs morales, spirituelles propres. Tout autre approche n’aboutit rarement qu’à un développement ou à un développement tronqué. Les us et coutumes constituent toujours les premières sources de droit dans un Etat : l’Angleterre en est un exemple palpable. Napoléon Bonaparte dans le code civil de 1804 n’a fait que codifier, c’est-à-dire rendre écrits les us et coutumes françaises, alors en vigueur dans ce que l’on appelle « l’Ancien Régime ».
Toute codification doit avoir pour objectif de faire rentrer ce qui est traditionnel dans le moderne et donc de faire disparaître l’expression « traditionnel » ; c’est-dire que le maintien de l’expression « traditionnel » dans une loi moderne a pour objet de momifier le traditionnel, de le maintenir hors de la vie réelle des citoyens et de le transformer en « Objet de tourisme ». Il en serait ainsi de la médecine traditionnelle et de la médecine moderne au Bénin.
2°- Prémisses historiques.
« La société actuelle béninoise est issue de la colonisation française, avec pour point de départ la victoire militaire des troupes françaises conduites par le colonel Dodds Amédée sur le Roi Béhanzin et scellée par le décret du 21 juin 1894 créant « la Colonie du Dahomey et Dépendances » ; ensuite la poursuite de l’achèvement de cette colonisation par l’occupation des régions du Nord et en particulier la victoire sur Saka Yérima en 1897. A partir de cette conquête, naît une société coloniale. Cette société devenue officielle, est donc imposée par la force des armes coloniales françaises, par la violence, aidées de toutes sortes d’appui dont les marchands et les missionnaires catholiques. Avec cela, l’ancienne société est battue et sur ses ruines, le colonisateur a bâti sa société avec les nouvelles classes sociales et ce, pour servir les intérêts coloniaux français. Cette réalité n’a pas changé après le folklore dit des indépendances de 1960 ; au contraire, elle s’est renforcée. La société française dans le territoire du Bénin, n’a cessé de s’approfondir et de nier à chaque instant, la société « traditionnelle », avec les paramètres coloniaux que sont l’administration, l’instruction, la langue, la monnaie et l’économie et on en passe. La couche des intellectuels béninois formés et exerçant en langue française aujourd’hui (de l’administration, de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, de la justice, etc. en tant que corps) relève de la colonisation française et est formée pour servir les intérêts français; soit à peine 15% de la population béninoise lettrée en langue française. C’est elle qui toujours légifère pour la grande majorité des 85% de la population.
De la sorte, les couches qui ont été les grandes victimes de la colonisation, parce que dépossédées par les armes, de leur pouvoir, de leurs langues, de leurs religions, niées en tant possesseurs de savoirs, etc. sont nos Autorités dites traditionnelles, c’est-à-dire nos Rois et Chefs de terre, nos autorités morales, telles les chefs religieux traditionnels : les hounnons, les bokonon ou babalawo etc.
3°- La question en jeu embrasse l’ensemble de la société entière béninoise, chaque citoyen relevant et faisant partie d’une aire socio-culturelle donnée, soit de royauté, soit d’une chefferie traditionnelle et coutumière. C’est-à-dire qu’il ne s’agit point d’une question marginale.
4°- Desiderata des Dignitaires organisés dans notre pays sur leur statut et régime juridique.
Nous reprenons ici ces desiderata exprimés en multiples Réunions tant à Cotonou en mai 2016 qu’à Nikki en 2017 en les termes suivants.
« Nous, Rois, Reines, Chefs de Terre, de par Dieu et la Volonté des Ancêtres,
Nous Hounnons, Bokonons, Guérisseurs, Détenteurs des cultures de nos peuples,
Nous, Chasseurs Traditionnels et Groupes de Jeunes (appelés Donkpè dans certaines contrées) ayant depuis les temps immémoriaux assuré la sécurité de nos peuples,
Réunis ce jour 30 mai 2016, à Cotonou:
Constatant que par la force des armes, les colonialistes français (de 1894 à 1919) ont complètement dépouillé nos Pères des pouvoirs et attributions qu’ils détenaient par l’histoire et la tradition sur leurs peuples (pouvoirs d’administration et de juges et même pouvoirs religieux) et installé une nouvelle administration;
Constatant que la nouvelle administration coloniale s’est installée en négation de nos us et coutumes et s’exerce dans une langue étrangère à nos populations ;
Conscients que depuis 1960 notre pays va mal parce que - par cette œuvre coloniale - certains de ses fils façonnés par les colons ont tourné le dos aux valeurs existentielles héritées de nos Pères (langues et cultures) au profit de ces valeurs étrangères héritées de la colonisation française ;
Considérant que depuis lors, les lois de l’Etat se font et s’appliquent sur la base de ces valeurs étrangères au mépris de nos us et coutumes, avec une administration fondée sur une langue étrangère qui exclut complètement les peuples de nos terroirs ;
Considérant qu’en dépit de toutes les tracasseries, les Rois, Chefs de Terre, Guérisseurs et Chasseurs Traditionnels continuent d’administrer, de juger, de guérir et de sécuriser les populations de leurs terroirs respectifs ;
Convaincus que le salut de nos peuples et par conséquent de notre pays, le Bénin, passe par une « Refondation » de la Terre de nos aïeux sur des bases propres à nos valeurs tout en prenant en compte les valeurs positives des peuples du monde ;
Prenant acte du souhait formulé par le Président de la République « d’aboutir rapidement à un projet (de Constitution) qui synthétise les réponses les plus adéquates aux aspirations actuelles et futures de notre peuple»,
« Portons à l’attention de la Commission Technique chargée des Réformes Politiques et Institutionnelles que soient insérées dans la Constitution:
1°- La création au sein du Parlement de la Chambre des Nationalités composée de Représentants des Autorités traditionnelles et qui aura pour mission de contrôler la conformité des lois votées par les députés de l’Assemblée nationale avec les coutumes positives de notre pays.
2°- La création d’une juridiction de droit traditionnel depuis le village jusqu’au sommet ;
3°- La reconnaissance par l’Etat des Rois, Chefs de terre, chefs de couvents, devins comme administrateurs et juges locaux et dûment rémunérés par les soins et fonds de l’Etat…
4°- La Reconnaissance de toutes les langues nationales comme langues officielles avec pour conséquences :
- Leur usage obligatoire à tous les niveaux de l’Administration de notre pays dans leurs terroirs respectifs ;
- L’instruction des enfants dans leurs langues maternelles, l’alphabétisation des adultes sur leurs territoires respectifs ;
- Le déploiement immédiat de précepteurs pour alphabétiser les Rois, Reines, Dignitaires, Intellectuels traditionnels dans leurs langues maternelles sur leurs territoires respectifs.
5°-La protection et la promotion du patrimoine national (économique, culturel, historique)… »
Voilà ainsi résumées les « Préoccupations » des Dignitaires, représentant des Différentes Organisations faîtières des Dignitaires de ce pays (Hautes Autorités Royales du Bénin ; Haut Conseil des Rois du Bénin) le 30 Mai 2016 et portées à la Commission Constitutionnelle mise sur pied par le Chef de l’Etat, le Président Patrice Talon et réaffirmées en Concertation des Rois et Dignitaires le 17 Juillet 2017 à Nikki.
6°- Attitudes pratiques correctes à observer dans l’Elaboration d’une Loi régissant la Chefferie Traditionnelle.
Ces attitudes peuvent se résumer ainsi qu’il suit :
a-) Ne pas s’immiscer dans les règles d’organisation internes des Institutions traditionnelles (désignation, intronisation, attributions, destitution)
b-) Toute loi, pour se faire, doit tenir compte de l’avis des Institutions principales concernées ; c’est-à-dire se faire en entente avec les Institutions concernées (Prendre ou recueillir leur avis avant toute législation).
c-)-Les seules limites à imposer à ces Institutions traditionnelles dans leur organisation se résument en les trois éléments suivants : 1- Respect du caractère républicain de l’Etat du Bénin ; 2°- Respect de l’intégrité territoriale du Bénin ; 3°- Respect de l’ordre public et des bonnes mœurs.
DEUXIEME PARTIE : EXAMEN CRITIQUE PROPREMENT DIT DE LA LOI
Nous traduirons les différentes défauts de la présente loi par l’expression les péchés capitaux ou défauts.
Premier Défaut : La loi est faite dans la continuité coloniale : celle de la considération des Chefferies traditionnelles comme des Institutions étrangères à la société béninoise. Elle ne s’est pas faite dans le sens de l’intégration des chefferies traditionnelles dans le fonctionnement de l’Etat moderne. Le terme « gardiens des us et coutumes » comme reliques du passé exprime bien cette attitude. Ils gardent quelque chose appelé à disparaitre comme des pièces de musée, exclues du fonctionnement de l’Etat moderne. Lisons un peu les articles qui y sont consacrés
« La chefferie traditionnelle est garante des us et coutumes qui sont positifs. Elle assiste et collabore avec l’Etat dans la mise en œuvre de sa politique de l’éducation et de la cohésion sociales. . (Article 8)
À ce titre, elle est chargée notamment de :
- contribuer à la promotion et à la valorisation des us et coutumes positifs ; - contribuer à reconstituer et à faire connaître l’histoire de la communauté ;
- contribuer à la sauvegarde du patrimoine culturel matériel et immatériel de son espace ;
- contribuer à répertorier et conserver les rites de la communauté ainsi que son histoire ;
- contribuer à la promotion des langues locales béninoises en usage dans son espace à travers notamment les contes et légendes, les chants et danses, les proverbes et l’alphabétisation ;
- veiller à la tenue régulière des cérémonies et organisations festives communautaires ;
- promouvoir le vivre-ensemble, la paix et la cohésion sociales à l’intérieur de la communauté et avec les autres communautés »
- contribuer à la vulgarisation des textes de la République ».
Les attributions ci-dessus sont entièrement celles de tout Etat moderne : qui se doit de les assurer et accomplir tous les jours. Il ne saurait être confié à des Institutions non investies à quelque niveau que ce soit, de fonction administrative ou juridictionnelle. Une institution ne peut assurer des fonctions telles « promouvoir le vivre-ensemble, la paix et la cohésion sociales à l’intérieur de la communauté et avec les autres communautés » ou « promouvoir le vivre-ensemble, la paix et la cohésion sociales à l’intérieur de la communauté et avec les autres communautés » ou encore « contribuer à la promotion des langues locales béninoises en usage dans son espace à travers notamment les contes et légendes, les chants et danses, les proverbes et l’alphabétisation », etc. sans être un élément de l’administration étatique à un certain niveau ; enfin, on ne saurait « - assurer la médiation sociale dans le règlement des conflits en matières coutumières ; - veiller à la moralisation de la vie en communauté » sans avoir le pouvoir de juger et condamner tous les violateurs des règles coutumières.
Et pour boucler les choses, l’article 9 se veut clair et péremptoire.
Article 9 : « Les attributions prévues à l’article 8 de la présente loi ne font pas de la chefferie traditionnelle une structure administrative ni un prestataire de service de l’Etat ».
De la sorte, la loi nie et rejette dans l’oubli, exactement comme le colon français, tout le savoir et savoir-faire de nos Institutions traditionnelles transmis péniblement de génération en génération et qui continuent de subsister dans nos contrées lointaines.
Or ne dit-on pas que « c’est sur l’ancienne corde que l’on tisse la nouvelle » ?
Par ailleurs, la Loi traite les us et coutumes comme si elles étaient étrangères à chaque citoyen. Or chaque citoyen est le produit, aujourd’hui de ces us et coutumes dits traditionnels du passé et des usages aujourd’hui dit modernes ; il les porte et les exprime tous les jours ; un arbitrage s’impose entre ces deux situations qu’il faut codifier. Or ce à quoi la loi actuelle renvoie, c’est le rejet en dehors de la modernité, des us et coutumes dits traditionnels désormais confiés à des « Conservateurs de musée », dépourvus de tout pouvoir administratif et juridictionnel.
C’est simplement la momification de nos us, coutumes et valeurs traditionnelles positives.
Deuxième Défaut : Non hiérarchisation des royaumes.
Cela est palpable. Les 16 Royaumes retenus, sont cités sans aucune hiérarchisation consacrée pourtant par l’histoire et les traditions dans les différentes aires communautaires.
L’exemple le plus épatant se trouve être dans l’aire Wassangari-Baatonou. - le royaume de Bouè ; le royaume de Kika ; - le royaume de Kpanné ou Kouandé ; - le royaume de Sandiro par exemple sont mis sur le même pied d’égalité « royaume » que le royaume de Nikki. Or tout le monde sait que tous ces Rois font allégeance au « Roi » de Nikki qui de ce fait, peut être appelé « Roi des Rois » ou « Empereur » au même titre que l’Asantehene des Ashanti au Ghana.
Il en est de même avec le Royaume d’Allada mis sur le même pied d’égalité que celui du Danhomè ; celui de Itakete Sakété sur le même pied que celui de Kétou, etc. alors qu’il est historiquement établi des liens de hiérarchie entre ces royaumes dont certains comme Nikki, Danhomè, Kétou ou Hogbonou ne méritent d’autre nom que celui d’Empire.
Dans la proposition de loi faite par l’INIREF et déposé à l’Assemblée nationale en 2012, il est fait la proposition suivante : « Article 5 : La Chefferie traditionnelle est organisée sur une base coutumière, historique, administrative et territoriale. Elle comporte les catégories et degrés hiérarchisés suivants :
1ère Catégorie : Royautés traditionnelles à caractère d’Empire
2ème Catégorie : Royautés simples ou royautés de droit commun.
3ème Catégorie : Royautés dépendantes ou déléguées
4ème Catégorie : Chefferies de terre.
Les catégories des chefferies traditionnelles indiquent leur position hiérarchique au sein d’une aire politique établie par la tradition ».
Pourquoi avoir complètement ignoré de telles propositions plus conformes à la réalité ?
Troisième Défaut ; Omission de bon nombre de Royaumes.
L’exemple le plus épatant a été la non classification du Royaume Akpaki-Koburu de Parakou parmi les royaumes et sa classification - en chefferie de Korokou à Parakou parmi les chefferies. Qu’est ce qui explique cela ?
Et l’exemple de telles omissions sont nombreuses dans l’aire socio-culturelle Wassangari-Baatonou. Aucune royauté n’a été citée dans Banikoara, dans Ségbana ni dans N’dali. Le Royaume de Zougoukpantrossi dans la commune de Gogounou a été omis.
Pour toute l’aire wao (wama) on n’a cité qu’une seule chefferie.
Quatrième Défaut : Création de royaumes où historiquement n’a jamais existé une Institution méritant le nom de Royaume.
Le cas le plus frappant est le royaume de Dogbo-Ahomè ; Historiquement dans l’aire Aja-Tado, aucune entité n’avait acquis l’envergure de Royaume à l’exception de Tado. En effet, la Royauté suppose l’existence d’un Etat territorialement défini, avec une armée pouvant se livrer à des guerres contre un autre Etat. Cela n’a jamais été attesté à ce niveau. Qu’une entité pouvant mériter l’appellation de chefferie existe ; cela ne peut faire l’objet d’un doute ; mais de Royaume dans Dogbo jusque-là aucun fait historique ne permet d’attester cela et mieux de l’ériger en loi.
Il en est de même de Daroukpara (commune de Pèrèrè) où ont été créées deux chefferies là où il n’en a jamais existé.
Cinquième Défaut et le plus grave : La possibilité donnée à l’Administration –au Préfet et au Ministre de l’Intérieur- de destituer un Roi.
L’article 39 dispose : « Tout roi, chef traditionnel ou chef coutumier menant des activités politiques et/ou partisanes ou ayant des manquements de nature à compromettre ses fonctions de roi, de chef traditionnel et de chef coutumier s’expose aux sanctions suivantes qui peuvent être prononcées à son encontre, en fonction de la gravité du manquement :
- l’avertissement ;
- la suspension ;
- le retrait de l’acte de reconnaissance ».
L’Article 40 poursuit : « L’avertissement est prononcé par l’autorité préfectorale compétente ».
L’article 41 complète : « La suspension du roi, du chef traditionnel ou du chef coutumier est prononcée par le ministre chargé de l’Intérieur après consultation du ministre chargé de la Culture, sur rapport motivé de l’autorité préfectorale. La suspension ne peut excéder six (06) mois. Pendant la durée de la suspension, l’intérim du roi, du chef traditionnel ou du chef coutumier est assuré conformément aux règles coutumières de la chefferie traditionnelle concernée.
Et l’article 42 conclut : « En cas de manquements graves compromettant sa fonction ou violant les lois et règlements en vigueur en République du Bénin, le roi, le chef traditionnel ou le chef coutumier s’expose au retrait de l’acte de reconnaissance... La décision de retrait de l’acte de reconnaissance du roi, du chef traditionnel ou du chef coutumier est prise par le ministre chargé de l’Intérieur après consultation du ministre chargé de la Culture ».
En clair, désormais, les Chefferies se trouvent à la merci de tout pouvoir politique. Car les motifs de sanctions sont très équivoques et sujets à toute interprétation.
Dans la disposition de l’article 39 « Tout roi, chef traditionnel ou chef coutumier menant des activités politiques et/ou partisanes ou ayant des manquements de nature à compromettre ses fonctions de roi, de chef traditionnel et de chef coutumier… », on peut tout y mettre à prétexte à destitution. Le Roi qui, constatant l’extrême famine de son peuple, émet des avis sur la politique qui occasionne de telles situations, pourra aisément être accusé de faire la politique et passible de destitution, etc.
En résumé, les graves défauts de la Loi votée le 13 Mars sont :
1°- Légiférer comme s’il s’agissait d’un Corps étranger au corps social béninois que l’on veut contenir dans des réserves à la manière des objets de musée alors qu’il s’agit du vécu de tout citoyen béninois du moins dans sa très large majorité. - Il s’agit non pas de légiférer sur des institutions traditionnelles à conserver toujours « traditionnelles » mais de moderniser une Institution dans la vie politique, administrative, juridictionnelle et culturelle. Et lui ôter le caractère d’institutions traditionnelles.
2°- Ne conférer aux Institutions « traditionnelles » aucune fonction étatique ni administrative, ni juridictionnelle au lieu de les intégrer au corps social béninois.
Tout au plus, comme le dit l’article 34 « Un roi, un chef traditionnel et un chef coutumier peut être consulté à titre ponctuel et confidentiel sur certaines questions de la République si l’autorité compétente le juge nécessaire. Toutefois, son avis est à titre consultatif ». Et en contrepartie de cela, l’obligation financière à l’égard de ces Institutions est déterminée à l’article 32 ainsi qu’il suit : « L’Etat peut accorder au roi, au chef traditionnel et au chef coutumier ou à chaque chefferie traditionnelle, une allocation selon les conditions et modalités fixées par voie réglementaire ». Autrement dit, ce n’est pas une obligation mais une simple possibilité à laquelle peut déroger l’Etat.
3°- S’ingérer dans les règles d’organisation internes des Chefferies traditionnelles jusqu’à la définition des procédures de leur désignation, de l’exercice de leurs fonctions et même de leur révocabilité comme fonctionnaires par l’Etat dit moderne. Au lieu simplement de prendre acte de leurs règles traditionnelles d’organisation interne pourvu qu’elles respectent les trois principes ci-dessus énumérés : le respect de l’intégrité territoriale de l’Etat, le respect du caractère républicain de l’Etat du Bénin et le respect de l’ordre public.
L’exemple de l’article 10 de la loi qui définit les différentes relations entre Autorités traditionnelles est tout à fait inutile et superfétatoires – car constitue des règles connues de toutes les institutions traditionnelles entre elles et se pratiquent tous les jours. Ainsi par exemple est-il défini à cet article : « - les rois et les chefs traditionnels qui partagent un même espace socioculturel se doivent mutuellement respect, collaboration et assistance pour maintenir la paix et la cohésion sociale au sein de la communauté ;
- les rois partageant le même espace socioculturel avec des chefs traditionnels doivent créer avec ces derniers un cadre fonctionnel de concertation pour régler, dans le respect de la hiérarchie/préséance, tous les différends menaçant le vivre ensemble et pour maintenir la paix puis la cohésion sociale au sein de la communauté ;
- les rois doivent être à l’écoute permanente des chefs traditionnels avec lesquels ils partagent le même espace socioculturel ;
- les chefs traditionnels partageant au moins un espace socioculturel avec un roi, se réfèrent à lui pour le règlement de tout différend ou toute autre action pour le maintien de la cohésion sociale et de la paix au sein de la communauté ;
- les chefs traditionnels partageant au moins un espace socioculturel avec un roi, reconnaissent son autorité morale et hiérarchique sur eux ».
Les deux articles 11 et 13 et suivants, les articles 29, 30, etc. sont de la même veine et participent de la même logique.
4°- Enfin, le grand défaut et le principal c’est qu’en « Bureaucrates intellectuels- Experts », on fasse une loi sans concertation avec les intéressés considérés alors comme mineurs, attitudes qui rappellent celles du colonisateur à l’égard de nos Respectables Institutions.
En note finale, nous dirons simplement « Il faut revoir la copie » pour l’harmonie et le développement du pays, pour l’harmonie entre les peuples. Il y va de la paix sociale.
Cotonou, le 27 Mars 2025
Pour l’Alliance Pour la Patrie
SERO SANDJOUGOUMA Jean-Pierre
Vice- Président Chargé de la Cohésion Nationale