Editorial : HOMMAGE A ROBERT MUGABE
L’Afrique vient de perdre un de ses grands fils : Robert Gabriel MUGABE. Depuis, on attend ici et là des commentaires dont ceux de ses ennemis et de l’indépendance de l’Afrique dont l’objet est de salir sa mémoire. Ces commentaires haineux sont repris de façon naïve par des milieux, progressistes même qui ne prennent pas en compte les enjeux réels des combats et des positions de l’homme politique et du combattant patriote et panafricaniste.
Dans le présent article, nous restituons quelques éléments des enjeux réels et expliquons « pourquoi l’Occident diabolise Robert Mugabé » pour en tirer les leçons qui en découlent pour les patriotes africains.
POURQUOI L’OCCIDENT DIABOLISE ROBERT MUGABE
1. Le 6 septembre 2019, le monde entier a appris la mort de Robert Gabriel Mugabe, l’ancien Président du Zimbabwe et héros de la lutte pour l’indépendance de son pays. Immédiatement, la presse occidentale et ses relais africains ont commencé à fustiger le dictateur, le despote, celui qui a détruit son pays etc. etc. Si de la part des impérialistes leurs commentaires sur Mugabe sont compréhensibles car toute sa vie, ce dernier n’a eu de cesse de combattre leur domination, de la part des peuples africains cela est inadmissible et incompréhensible. Cette situation montre tout simplement que notre indépendance reste à conquérir puisque les informations que nous consommons ne sont que la recopie servile de celles que les agences de presse aux mains de nos ennemis nous envoient.
2. Il faut savoir que le Zimbabwe, le pays de Robert Mugabe était une colonie anglaise. Contrairement au colonialisme français dont la spécialité est d’atomiser les pays pour mieux les dominer, le Zimbabwe qui s’appelait alors Rhodésie du sud, faisait partie d’une fédération composée de la Rhodésie du Nord aujourd’hui Zambie et du Nyassaland aujourd’hui Malawi. Avec la poussée des luttes des peuples pour la souveraineté nationale, l’objectif des anglais était d’accorder l’indépendance à l’ensemble des trois pays comme Etat fédéral. Cette initiative a été torpillée par les colons blancs de Rhodésie du Sud.
3. Comme en Algérie pour la France, les colonies anglaises d’Afrique Australe étaient des colonies de peuplement comme en Afrique du Sud, c'est-à-dire des colons qui sont venus s’installer pour fuir la misère et les guerres de religions en Europe ; en plus, ayant trouvé des terres fertiles, ils s’en sont saisi par la rapine, les guerres ou des traités injustes avec des chefs locaux. Pour ces colons, il n’est plus question de retourner en Europe.
4. Parmi les trois colonies fédérées, la Rhodésie du sud était celle où les colons étaient les plus nombreux. Lorsqu’en 1964, la Grande-Bretagne accorda leur indépendance à la Rhodésie du Nord devenue Zambie, et au Nyassaland devenu Malawi, les colons blancs de Rhodésie du Sud qui faisaient 4% de la population soit 200.000 habitants, et qui possédaient la moitié des terres du pays, notamment les plus fertiles, proclamèrent unilatéralement l’indépendance du pays en 1965, en instituant un pouvoir d’apartheid d’où était exclue la population noire comme en Afrique du Sud raciste.
5. Naturellement, cette provocation ne pouvait être tolérée ni au plan international, ni par la population noire à l’intérieur du pays. Au niveau de l’ONU, par les résolutions 216 et 217, des sanctions ont été décrétées contre le nouvel Etat raciste à l’unanimité moins une voix : celle de la France. A l’intérieur du pays, la résistance a commencé à s’organiser sous diverses formes : des protestations populaires jusqu’à la lutte armée. Au cours de cette lutte, un homme va particulièrement s’illustrer à savoir Robert Gabriel Mugabe dont l’engagement va le conduire en prison en 1964. A sa libération en 1974, après dix années derrière les barreaux, il prend le maquis au Mozambique, et se hisse aux commandes de la branche armée de son mouvement politique le ZANU (Zimbabwe African National Union), qui visait à chasser les Blancs du pouvoir.
6. Toutes ces luttes vont entrainer la chute du pouvoir raciste qui signera sa reddition aux accords de Lancaster House en Angleterre en 1979. En avril 1980, au terme d’une guerre d’indépendance contre le régime raciste qui aura fait entre vingt et trente mille morts, la Rhodésie du Sud accède à l’indépendance sous le nom de Zimbabwe. En tant que chef de la ZANU, Mugabe signe les accords de Lancaster House, sous l’égide de l’ancienne puissance coloniale. Ces accords offrent de nombreuses garanties à la population blanche. C’est dans ce cadre que la délicate question des terres agricoles a été abordée. Naturellement il n’était pas question de laisser 6000 fermiers blancs accaparer la moitié des terres fertiles du pays.
7. Dans les années 1980, il y avait environ 120.000 blancs contre 7 millions de noirs au Zimbabwe, mais 50% des terres agricoles étaient concentrées entre les mains de propriétaires blancs. Lors des accords de Lancaster House, reconnaissant que la détention de ces terres par les colons blancs était problématique, la Grande-Bretagne a voulu protéger ses intérêts en interdisant au futur régime zimbabwéen indépendant, celui de Mugabe notamment, de s'approprier ces terres généralement situées sur les parties les plus fertiles du pays avant dix ans et à condition d'octroyer aux colons une compensation financière « au prix du marché et en devises », soit au prix le plus fort. Mais, pour aider le gouvernement zimbabwéen à venir racheter ses terres, le gouvernement britannique proposa un appui financier de la Grande-Bretagne. Ainsi, entre 1980 et 1997, la Grande-Bretagne a dépensé quelque 44 millions de livres pour aider le Zimbabwe à financer le rachat de terres à des fermiers blancs pour compenser l'inégalité de la répartition des terrains entre Blancs et Noirs. Mais, après la victoire des travaillistes britanniques en 1997, le gouvernement de Tony Blair a fait savoir à Robert Mugabe et au gouvernement zimbabwéen qu'il ne se sentait pas tenu par les engagements du précédent gouvernement conservateur de John Major dans ce domaine.
8. Que devait faire le Président Robert Gabriel Mugabe après le refus de la Grande-Bretagne d’honorer ses engagements ? Remplir ses obligations vis-à-vis des paysans qui se sont battus pour leur terres ou se croiser les bras et laisser les 6000 fermiers blancs continuer à narguer la majorité de la population noire sans terre ? Naturellement, il a fait ce que tout patriote et révolutionnaire devait faire. Il a redistribué la terre aux paysans qui n’en avaient pas.
9. Cette redistribution provoqua la colère des impérialistes occidentaux qui imposèrent un blocus contre le pays, blocus qui à son tour a contribué à déstabiliser l’économie du Zimbabwe. L’objectif de ce blocus, c’est de punir Robert Mugabe pour avoir osé leur tenir tête. En effet, les impérialistes sont ainsi ; quand vous osez leur tenir tête, ils cherchent à vous écraser. Il en a été ainsi d’Haïti qui continue de payer encore aujourd’hui, l’audace d’avoir défait l’armée esclavagiste de la France. Il en est ainsi de la Guinée de Sékou Touré qui a payé cher le non du 28 septembre 1958 au Général de Gaulle. Pour cela, avant leur départ que les guinéens ne demandaient pas, les Français ont détruit les hôpitaux, les écoles, les plantations. Ensuite, ils sont allés jusqu’à déverser de faux billets de franc guinéen pour déstabiliser l’économie du pays sans oublier tous les coups d’états par lesquels ils ont voulu assassiner Sékou Touré.
Voilà la nature et la pratique des impérialistes. Si Mugabe n’avaient pas touché à leurs intérêts, il serait pour eux, le meilleur Président sur terre comme on les voit traiter beaucoup de dictateurs à leur service. Non, leurs héros ne sont pas les nôtres et vice versa. Il est vrai que pour le moment ce n’est pas nous-mêmes qui écrivons notre histoire et que ce sont les agences de presse impérialistes qui déversent des insanités sur nos pays, insanités que nous refilons à nos populations à travers les médias (presse écrite, radio, télévision). Nous devons commencer à séparer le bon grain de l’ivraie ; nous devons commencer à distinguer nos intérêts de ceux de nos ennemis en ayant toujours à l’esprit cette anecdote du Français qui arrive à la gare de Waterloo à Londres et qui demande au premier Anglais rencontré : « dites-moi monsieur, vous donnez le nom des défaites à vos gares ici ? En France c’est le nom des victoires que nous donnons : Iéna, Austerlitz, Pyramides, Friedland, etc. » Comment ça lui répond l’anglais avec un sourire moqueur : « ah oui, c’est vrai que votre histoire n’est pas la nôtre ; Waterloo c’est la grande victoire de l’Angleterre sur la France ; et c’est même cette défaite de Napoléon qui a mis fin à son pouvoir. » C’est cela que nous autres africains ne devons jamais oublier. L’histoire des occidentaux qui nous ont humiliés pendant des années et continuent de le faire n’est pas la nôtre. La nôtre comme l’avait dit Lumumba reste à écrire et à enseigner dans nos écoles et universités.
Voilà pourquoi, pour nous, Robert Gabriel Mugabe est un grand patriote, un grand panafricaniste au même titre que les Lumumba, Nkrumah.
La Rédaction
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