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Cotonou, le 16 Août 2022
Philippe NOUDJENOUME
Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin (PCB)
Président de l’Alliance Pour la Patrie

 

Lettre Ouverte
A
Son Excellence Patrice Talon, Président de la République, Chef de l’Etat, Chef de Gouvernement
Cotonou

 

Objet : A propos de la défense de nos Cultures

Monsieur le Président de la République,


Vous avez inscrit dans votre Programme d’Action de Gouvernement, la Chose culturelle comme devant être promue au rang de vos priorités. Deux choses peuvent attester apparemment de votre attachement à la culture et à l’histoire de notre pays. Il y a d’une part, votre engagement pour la restitution de quelques-uns des plus de 4000 « Trésors Royaux » pillés par le Colon français et entassés dans ses divers musées d’une part ; il y a ensuite le faste déployé à l’occasion des dernières festivités de notre Indépendance en date du 1er Août avec inauguration des Monuments en mémoire de nos Héros sous le signe de références historiques.


Dans un élan de ferveur patriotique, vous vous êtes écrié que « Vous êtes Bio Guerra » et que « Tout Béninois doit être Bio Guerra ».
Oui, je conviens que tout Vrai Béninois doit être « Bio Guerra » « Béhanzin, Kaba, Saka Yérima », etc. En clair tout Béninois doit incarner les Vertus patriotiques de nos Vénérés Héros nationaux qui n’ont pas hésité, au sacrifice de leur vie, à prendre les armes pour la défense de notre Patrie.
Monsieur le Président de la République, au-delà de ces Apparences festives et à la limite folkloriques, il demeure des questions qui interpellent et que je souhaiterais partager avec Vous.


La Culture entendue comme ensemble de valeurs, de coutumes, de croyances religieuses, portées par la langue et l’éducation (l’instruction scolaire et académique) a deux dimensions : le contenu, l’immatériel et qui est le socle, le fondamental d’une part, les formes d’expression matérielles qui sont des dérivées de cette culture telles la peinture, la sculpture, le dessin, la musique, la danse, etc. d’autre part. La Culture est le support premier de tout développement. Cela, les Grandes Institutions internationales telles, les Nations Unies, l’UNESCO l’ont toujours signifié et consacré.
Or, il est manifeste que tout ce que vous dégagez comme Projet culturel porte sur les formes d’expression de la Culture et non la Culture elle-même. Ainsi les Monuments ou Représentations sculpturales des Héros, les « Œuvres et Trésors Royaux » pillés par le Colonisateur félon ne sont que des formes d’expression de Cultures daho-béninoises attaquées et menacées de disparition- aujourd’hui et tous les jours- de toutes parts par des cultures exogènes dévastatrices.


La défense de la Culture commence d’abord et avant tout par la défense des fondamentaux de cette culture que sont la langue, les croyances religieuses, les coutumes positives de nos peuples.
Monsieur le Président de la République,


Il est manifeste que tout votre comportement, toute votre approche porte la Chose culturelle en tant que « Bien commercial », un Objet de marketing à vendre à l’étranger, aux Touristes. Raison pour laquelle, votre Gouvernement rattache ce secteur stratégique au Ministère du Tourisme. D’ailleurs votre Ministre en charge de la Culture, n’a pas hésité à déclarer sur une chaine de télévision que le nom « Amazone » est préféré à l’appellation authentique de « Agoojie », car, quel « Allemand comprendrait cette dénomination d’ Agoojie »?. C’est la même logique qui vous a certainement conduit à reproduire, non une image de « Agoojie » avec tunique, telle reproduite dans nos musées, mais plutôt une « Amazone », fille à beauté grecque, peinte en couleur noire, en fait une « sorte de « Jeanne d’Arc » à la française ; ou encore, cette statue érigée à l’entrée aérienne de notre pays, d’un « Bio Guerra » en bottes américaines qui n’a rien à voir avec le « Bio Guerra » dévoilé à Parakou.


Ce faisant de façon consciente ou inconsciente, vous réduisez nos cultures en « Réserve culturelle » pour safari, en Objets de musée du Passé pour amuser la curiosité vacancière des Richards dominateurs du monde.
Monsieur le Président de la République,


Etes-vous fier de déclarer réaliser au Bénin, un « rayonnement français dans la sous-région notamment au Bénin… », de parler de la culture française comme « notre culture commune », culture qui a écrasé la nôtre par la guerre et qui continue de l’écraser par toutes sortes de canaux dont principalement l’école et la langue ?


Etes-vous fier d’une Ecole qui, sous exigence de la « Francophonie », répète dans toutes les disciplines, les litanies de la langue et de la culture françaises et par voie de conséquence, n’est qu’une usine à fabriquer de chômeurs ? Etes-vous fier de vouloir agrandir l’Institut français comme Scène pour y faire produire nos artistes alors que des Artistes nigérians, ghanéens ou sénégalais se produisent dans leur Théâtre National ?
Monsieur le Président de la République,


C’est de notoriété scientifique consacrée par les Institutions internationales telles l’ONU et l’UNESCO que l’on ne saurait restaurer la culture sans la restauration des langues, supports premiers de la culture dans nos écoles, juridictions et administrations diverses.
Voilà pourquoi Monsieur le Président de la République je vous réitère ma demande, si tant est que votre patriotisme affiché est sincère, de prendre des mesures patriotiques que sont :


1°- La suppression dans notre Constitution, du français comme langue officielle.


2°- L’institution de toutes les langues nationales comme langues officielles avec pour conséquences :
- Leur usage obligatoire à tous les niveaux de l’Administration et de la justice de notre pays dans les terroirs respectifs ; car le premier droit de l’homme est d’être jugé et condamné dans la langue qu’il maîtrise le mieux et généralement c’est la langue maternelle (et non par interprétation) ;
- Le déroulement de l’école à tous les niveaux, à commencer par l’instruction des enfants, dans les langues nationales- l’alphabétisation des adultes sur leurs territoires respectifs dans leurs langues respectives ;
- Le déploiement immédiat de précepteurs pour alphabétiser les Rois, Reines, Dignitaires, Intellectuels traditionnels dans leurs langues maternelles sur leurs territoires respectifs, afin qu’ils puissent transcrire pour la postérité l’histoire de leurs royaumes et territoires.


3°- Le Rétablissement des institutions traditionnelles fondamentales du pays (Rois et autres Dignitaires traditionnels), dans leurs prérogatives de législateurs et de juges ( pouvoir parlementaire, juridictionnel) matérialisé par la création au Parlement d’une Chambre des Autorités Traditionnelles (chargée d’étudier la conformité des lois votées avec nos traditions positives) ainsi que d’une Chambre de droit traditionnel de la base jusqu’à la Cour suprême.


4°- La création d’un Théâtre national.


5°- La Récupération de tous nos Trésors culturels.


Monsieur le Président de la République,
Nous ne devons jamais oublier qu’il y a exactement 132 ans, le 19 avril 1890, le Roi vénéré Gbêhanzin infligeait dans la célèbre bataille d’Atchoukpa (ou première guerre du Dahomey), une cinglante défaite aux troupes françaises commandées par Terrillon, obligeant les troupes d’agresseurs français à un repli pour revenir plus tard (dans ladite seconde guerre du Dahomey) avec le commandement du franco-sénégalais Dodds ; qu’il y a exactement 130 ans en 1892, les troupes coloniales françaises entraient dans Agbomê ; il y a 105 ans, le 07 Avril 1917, tombait, les armes à la main, sous les balles des troupes françaises commandées par Renard, le héros Kaba dans les grottes de l’Atakora à Data-Woori ; il y a 105 ans, le 18 décembre 1917, tombait à Baura (Bembèrèkè), sur les rives du cours d’eau Buri, sous les balles meurtrières des troupes coloniales françaises, le héros combattant Bio Guèra et que sa tête emportée par les Colons demande à être récupérée pour des cérémonies dignes de son rang. Nous ne devons pas oublier tous ces autres héros des guerres de résistance à la colonisation française, tels le Roi Kpoyizoun de Tado, Hounza Djinklin et Somakpon des Sahouè, Otoutou Bio-Odjo des Holli, ceux des Bazantché de Sèmèrè, etc. Les archives coloniales doivent être ouvertes pour éclaircir le sort réservé à nombre de héros déportés et permettre également des cérémonies dignes de leur rang.
Monsieur le Président de la République,


Les mesures que je vous propose ne constituent que le commencement du relèvement de l’humiliation que les troupes françaises ont infligée à nos Héros. Mon souhait est que vous compreniez le bien-fondé de ces propositions.

Mais si, comme il est de coutume, vous ignoriez ces demandes patriotiques, vous auriez démontré que votre patriotisme affiché n’est qu’un faux patriotisme, un patriotisme de pacotille, que vous êtes en réalité un agent des Colonisateurs français en charge de la continuation de la destruction de nos cultures et en tant que tel, méritera la place réservée par l’Histoire à de tels personnages.
Ce qui serait dommage !


Veuillez recevoir Monsieur le Président de la République, mes sentiments distingués et patriotiques.

Le Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin
Président de l’Alliance Pour la Patrie

 

Philippe NOUDJENOUME

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