POINT DE PRESSE
Cotonou, le 10 Novembre 2017
A PROPOS DE L’AFFAIRE DITE CNSS/ METONGNON Laurent
Thème :
A PROPOS DE LA PROVOCATION DU GOUVERNEMENT DANS L’AFFAIRE DITE CNSS/ METONGNON Laurent
Par Philippe NOUDJENOUME, 1er Secrétaire du PCB
Mesdames et Messieurs, Chers camarades, Chers amis de la presse
Depuis quelques jours, l’actualité est occupée par l’affaire dite CNSS/Métongnon Laurent. Je ne pense pas exagérer en déclarant que c’est aujourd’hui l’affaire du jour. Et comme on sait sous les cieux de la « Rupture » avec des articles « copier-coller » les mêmes titres toujours accusateurs s’affichent à la Une de maints journaux de la place avec la sentence déjà prononcée.
I- Dans quel contexte politico-social le gouvernement met en avant la présente affaire ?
Depuis plusieurs mois, le gouvernement de Talon est dans une impasse totale. Impasse économique avec le Pag en panne et l’acharnement contre les opérateurs économiques nationaux afin de faire place nette à la consolidation et l’extension de l’empire économique et financier du Chef de l’Etat et de son clan. Impasse sociale avec l’aggravation de la misère et de la faim provoquant de nombreux mouvements de grèves et de manifestations de travailleurs ; l’ensemble des centrales syndicales ont organisé une grande marche le 20 octobre indiquant la duperie d’un dialogue social également en panne. Perte de crédibilité voire de légitimité avec la dénonciation du népotisme, du pillage du pays avec des contrats gré à gré par le Chef de l’Etat et le clan autour de lui, de même que les atteintes grossières aux libertés avec des méthodes nouvelles comme le brouillage de radios non conformistes. Impasse diplomatique avec l’humiliation du pays sur la scène internationale. Impasse politique avec l’exigence de plus en plus large des Etats généraux prônés par le Front pour le Sursaut Patriotique. Les luttes de ce Front ont vaincu les tentatives de répression des manifestations par le pouvoir et son chien de garde TOBOULA. Ainsi après avoir imposé la marche du 22 juin 2017, le FSP après son meeting géant du 13 octobre avec les députés de la minorité, organisait une marche pour le 03 novembre 2017. Ces manifestations emportent et soulignent les aspirations du peuple à une nouvelle gouvernance.
Et Laurent METONGNON est un acteur de proue tant dans le mouvement syndical, le mouvement pour la bonne gouvernance, et du FSP. Il est de ceux qui, dès le départ, ont sonné l’alerte contre un gouvernement avec des pilleurs bien connus ; il a fait la critique sérieuse et nette du premier projet de budget du pouvoir de Talon dont on connait aujourd’hui le sort avec sa réduction en catimini de plus du tiers ; il a fait la critique des marchés gré à gré montrant la gloutonnerie du pouvoir actuel. Voilà en bref le contexte dans lequel cette affaire est soulevée.
Notre point de presse de ce jour ne vise pas à soustraire un militant des poursuites judiciaires, mais à dénoncer et à combattre l’arbitraire et la provocation.
II- Quelle est l’accusation formulée à l’encontre du camarade Métongnon Laurent ?
A la surprise générale, le Conseil des ministres en sa session du 2 Novembre 2017 entre autres points a retenu ceci « Rapport de vérification de versement de commissions occultes à des dirigeants de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS). Du 13 juin au 1er juillet 2016, la BIBE a fait l’objet d’une mission de vérification globale de la Commission Bancaire de l’Union Monétaire Ouest-africaine (UMOA). Les résultats de cette vérification ont révélé que des dirigeants de la CNSS ont souscrit à des dépôts à termes (DAT) auprès de la BIBE contre le versement de commissions à leur profit. Saisie du dossier l’Inspection Générale des Finances a procédé à des investigations complémentaires dont les conclusions se présentent comme suit : à partir de 2008, la BIBE s’est trouvée confrontée à des difficultés qui ont amené la Commission bancaire de de l’UMOA à décider le 13 décembre 2011 du retrait de son agrément. Les autorités compétentes béninoises ont cependant obtenu du Conseil des Ministres de l’UMOA en 2012 de placer l’établissement sous administration provisoire tout en lui conservant l’agrément- En dépit de de cette situation, le Directeur Général de la CNSS au moment des faits a décidé en complicité avec le Conseil d’administration de la structure de souscrire ou de maintenir auprès de la BIBE ses dépôts à terme- au total sur la période d’avril 2014 à octobre 2015, plus de dix-sept milliards cinq cent millions ont été placés auprès de ladite banque en difficulté… Il s’est avéré que cette décision a été prise contre le versement d’un montant de soixante-onze millions neuf cent quatre-vingt-quatorze mille sept cent trente-sept CFA au profit des dirigeants de la CNSS…Ces situations mettent en évidence l’intention malveillante des dirigeants concernés qui n’ont pas hésité à exposer les ressources des travailleurs et des retraités...En appréciant le compte rendu le Conseil des Ministres a instruit le Garde des Sceaux à l’effet d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre des dirigeants de la CNSS au moment des faits… Il s’agit notamment de Mr Mêtongnon Laurent Président du CA- Monsieur Célestin Ahonon DG et Moussa Jérémie Directeur financier » (Cf. La Nouvelle Tribune du 06 novembre 2017).
Dans la journée du 06 novembre le Ministre des finances, Romuald Wadagni et le Directeur Général de la CNSS, Dramane DIATEMA sont montés au créneau pour pourfendre cette fois les coupables. Pour le ministre Wadagni, « il n’est pas sérieux de mettre les fonds de retraite des travailleurs dans une banque en difficulté…Or le Conseil d’administration de la CNSS alors dirigé par Métongnon Laurent n’a pas hésité à y placer 16 milliards de francs CFA… La BIBE avait un retrait d’agrément et était sous administration provisoire. C’est un acte anormal de gestion que d’y verser l’argent des travailleurs… Qui a pris la décision de placer des fonds de la CNSS à la BIBE entre 2014 et 2015 ?... Autrement dit le Conseil d’administration et son Président ont la responsabilité dans la question des placements » (Le Matinal du 07 novembre 2017.). Quant au DG Diatéma il s’est évertué simplement à réfuter qu’il y ait 4 milliards de placement de la CNSS à la BIBE mais prise de participation au rachat de cette institution bancaire. Passons en revue ces arguments.
III- Examen de ces argumentaires.
Il est pour le moins curieux que le Ministre des finances Romuald Wadagni, le même qui a introduit le dosser en conseil des ministres se trompe même sur le montant des placements. Le conseil des ministres parle de « plus de dix-sept milliards » ; alors que dans son show télévisé il donne le chiffre « de seize milliards ». Est-ce l’empressement de la condamnation de Laurent Métongnon ? Plus encore et c’est là que c’est pitoyable. Qu’est-ce qui oblige le ministre des finances à devoir intervenir sur un dossier dont on dit qu’il est désormais aux mains de la justice par le garde des sceaux ? Si ce n’est sur injonction du nouveau César, Patrice Talon ? et essayer de répondre aux nombreuses protestations populaires contre la décision gouvernementale ?
Je vais examiner les arguments en les rubriques suivantes :
1° Qui prend la décision de placement de l’argent de la CNSS ?
2°- Et au Conseil d’administration, comment se prennent les décisions ?
3°- Quelle est la situation de la BIBE au moment des placements dits à risque ?
4°-Quelles sont les preuves de la perception par Métongnon Laurent des rétro-commissions ?
Passons en revue ces rubriques
1°-Qui prend la décision de placement des sous dans les structures bancaires ?
Le ministre lui-même le dit. « L’organisation des opérations de placements exige que la Direction générale propose et le Conseil d’administration et son président valident ». Autrement dit c’est la Direction Générale qui a l’initiative de placement de l’argent dans les institutions bancaires. Pour faire une comparaison c’est comme dans le cas des emprunts publics ou même du budget, le rôle respectif du Gouvernement et de l’Assemblée nationale. C’est le gouvernement qui prend la décision de l’opération « d’accord de prêt » ou emprunt public et le soumet aux Députés pour autorisation de ratification. Nous sommes ici dans le même schéma. L’exécutif de la CNSS c’est la Direction Générale qui a l’initiative, autrement dit c’est le Directeur Général qui prend la décision de placement. Le rôle du Conseil d’administration est d’amender, de rejeter ou d’autoriser. La réponse au Ministre Wadagni à la question « Qui a pris la décision de placer des fonds de la CNSS à la BIBE entre 2014 et 2015 ? » est sans ambiguïté : C’est la Direction Générale.
2°-Au Conseil d’administration, comment se prennent les décisions ?
Au sein du Conseil d’administration, toutes les voix s’équivalent sans prépondérance de celle du Président. En examinant toutes les décisions d’autorisation de placement prises par le Conseil d’administration, on voit la signature de tous les administrateurs présents. Et pourquoi dans le cas d’espèce, on ne parle au sein du Conseil d’administration que de Métongnon Laurent et non des autres ? Pourquoi la décision du Conseil des Ministres ne mentionne que le Président du Conseil d’administration en omettant les autres membres qui ont tous, et dans tous les cas, apposé leurs signatures à toutes ces décisions ?
3°- Quel est la situation de la BIBE au moment des placements dits à risque ?
L’argument massue du pouvoir et des thuriféraires est que le Conseil d’administration a placé de l’argent dans une banque en faillite.
Voyons les choses.
En effet par décision n° 605/CB/C du 13 décembre 2011, la Commission bancaire de l’UMOA a retiré l’agrément de la BIBE et a nommé un liquidateur. Contre cette décision de la Commission bancaire, le ministre des finances du Bénin a fait un recours, recours qui a été examiné en conseil des ministres de l’UMOA et a donné lieu à une décision N° CM/UMOA/035/12/013 du 19 décembre 2013. Par arrêtés n° 1258- 1259-1260/MEF/DC/ SGM/DGTCP/DAMF/BMC/SP du 14 mai 2014, pris par le ministre des finances du Bénin, il a été mis fin à l’administration provisoire de la BIBE, à la fonction d’administrateur provisoire et portant nomination d’un Directeur Général par intérim de cette institution bancaire. Ce qui suppose que la banque retrouve son agrément d’exercice de la fonction bancaire.
De toutes les façons, la décision du conseil des ministres dit nettement « Les autorités compétentes béninoises ont cependant obtenu du Conseil des Ministres de l’UMOA en 2012 de placer l’établissement sous administration provisoire tout en lui conservant l’agrément ». Ce qui veut dire qu’à partir de 2012, la BIBE a recouvré son agrément.
Les placements à la BIBE des sous de la CNSS au titre de 2014 sont intervenus après la décision ministérielle de mai 2014 mettant fin à l’administration provisoire de l’institution bancaire et nomination par le gouvernement d’un DG par intérim. Les placements de l’année 2014 sont intervenus le 22 Septembre 2014. Les placements ultérieurs, ceux de 2015 répondent de la même logique. Il est donc faux d’affirmer comme il est fait maintenant que la CNSS a placé de l’argent dans une banque qui n’avait plus l’agrément. Et si elle bénéficie d’agrément, il est difficile de déclarer qu’elle est en faillite. L’article 2 de l’arrêté portant nomination du DG intérimaire dit que celui-ci a pour tâches de – « coordonner toutes les activités de la banque ». Peut-on exclure de ces « activités » de la banque la réception des placements ?
4°- Quelles sont les preuves de la perception par Métongnon Laurent des rétro-commissions ?
On a parlé de rétro-commissions de « soixante- onze millions neuf cent quatre-vingt-quatorze mille sept cent trente-sept CFA (71.994.737) au profit des dirigeants de la CNSS… ? Plusieurs questions se posent : Si rétro-commission il existe, qui en a été bénéficiaire ?? Sur le terrain du droit pénal, on sait que la preuve est un élément déclencheur de la poursuite.
Ce à quoi le ministre Wadagni s’empresse de répondre « Il faut savoir si un système de rétro-commission est payé en espèce, il est difficile d’exhiber une preuve palpable pour dire qu’une telle personne qui a perçu ». Alors de quoi parle –t-on ? On pourrait encore naviguer ici simplement sur la vague d’une simple présomption de culpabilité à l’endroit de la CNSS dans son ensemble et non du Président du Conseil d’administration.
Or de cette présomption de « rétro-commission » dont aurait bénéficié l’ensemble des organes dirigeants de la CNSS et dont on dit « qu’il est difficile d’exhiber une preuve palpable », on passe pourtant directement à la culpabilité d’un individu, Métongnon Laurent. Il s’agit là d’une provocation politique, d’une incrimination d’opinion politique.
IV- L’attaque contre Métongnon Laurent est une attaque contre l’ensemble du peuple.
Mesdames et Messieurs les journalistes, chers camarades, chers amis, en regardant le contexte politique on voit aisément qu’il s’agit d’une opération d’intimidation politique du pouvoir de la « Rupture » contre le peuple à travers un individu. En effet qui connaît Laurent sait qui il est depuis les périodes reculées des Comités d’action de 1989, on connaît par la suite ses combats pour la probité au ministère des finances ; on connaît depuis ses prises de positions sur tous les fronts d’attaque aux libertés, de spoliations à grande échelle des biens publics au profit du président Patrice Talon et son clan, il est l’un des chefs de proue de l’alliance le Front pour le Sursaut Patriotique. Il est le porte-parole des milliers et des millions de sans-voix, déguerpis des voies publiques et qui souffrent la misère, la mort, le porte-voix de milliers de travailleurs dégagés par la suppression des entreprises publiques et la privatisation de nombreux services publics, il est le porte-voix de millions de sans-emplois, etc. Et j’en passe.
Alors il faut le faire taire. En s’attaquant à lui, on veut intimider le journaliste qui, brimé des organes de presse public et privé, n’ose pas élever la voix, sous peine de sanction immédiate ; on veut intimider le magistrat, le greffier, qui se voit humilié dans l’exercice de sa profession, l’étudiant à qui par le biais d’un décret assassin, l’on ferme la porte des universités publiques ; le travailleur de la santé qui expose quotidiennement sa vie dans des conditions déplorables avec la menace de privatisation de l’ensemble du système sanitaire.. On veut intimider tout le peuple ; car si le bois vert flambe qu’en serait-il des bois secs ? dit-on.
Le pouvoir de Talon a réussi à mettre aux pas le Parlement- en le faisant verrouiller par les deux dinosaures pro-impérialistes : Houngbédji Adrien et Amoussou Bruno. Il a imposé un silence complice à la Cour Constitutionnelle pour prendre toute mesure à caractère constitutionnel ; il contrôle la presse par mille et un canaux occultes ou ouverts ; fait brouiller des radios avec la complicité active de la HAAC ; il a verrouillé la justice par le biais de son Ministre de la Justice qui agit par intimidation et voies de fait etc. Il ne reste que le peuple avec le Front pour le Sursaut Patriotique et Métongnon Laurent en est un des responsables de proue. Alors il faut l’attaquer.
Il s’agit d’un coup monté de toutes pièces. Au regard des éléments soulignés là-haut, surtout au regard des sommes colossales que l’équipe de Talon lui-même engloutit tous les jours dans leurs poches au détriment du peuple. Pour le pouvoir, il faut essayer de faire oublier les dossiers de pillage dans lesquels sont trempés les Olivier BOKO (les machines agricoles, etc), Sacca Lafia (Maria-gléta), Koupaki Iréné (Icc-service), Dassigli (mafia domaniale), Talon lui-même (SODECO, PVI) sans compter tous les pillages actuels de la CNSS, les domaines privés de l’Etat, le scandale SAFRAN, OFMAS, etc., etc.
Alors battus sur le terrain de la raison, le pouvoir recourt à des agressions ouvertes consistant au brouillage des ondes radio, etc. Par là le système fait montre d’une extrême faiblesse qui ne peut rester qu’à force de brutalité et de terreur. Le pouvoir de Talon manque de toute rationalité, d’où sa rage.
Telle la levée de boucliers qui se fait de toutes parts du sein du peuple contre cette attaque, telle la protestation indignée des travailleurs du ministère des finances le mercredi 08/11 dernier en soutien au « Général Métongnon ». Le peuple a compris qu’il s’agit d’une attaque contre lui-même, contre son droit à l’expression, son droit au combat pour une gouvernance patriotique et de probité.
Le Parti Communiste du Bénin ne peut que se réjouir de cette levée populaire de boucliers contre le pouvoir mafieux et liberticide de Talon. Il déclare avec le peuple « Bas les pattes le pouvoir de Talon contre les libertés ! Stop aux provocations ! Le camarade Métongnon est un de nos militants intrépides qui a toujours porté haut levé l’étendard de la probité et des libertés ! Le Parti communiste ne tolérera aucune atteinte à sa personne, à sa liberté ! » Alors travailleurs et peuple n’acceptons jamais l’inacceptable, l’arbitraire.
En avant pour les Etats Généraux du Peuple !
Le Premier Secrétaire du PCB
Philippe NOUDJENOUME