REVALORISATION DES SALAIRES PAR LE POUVOIR DE TALON

UN RATTRAPAGE INSUFFISANT FACE A LA REALITE DES BESOINS


Un an après avoir annoncé à corps et à cris en décembre 2021 la revalorisation des salaires, le pouvoir a finalement publié les mesures à la suite du Conseil de ministres du 07 décembre 2022. Ces mesures consistent à :

1- un sursalaire différencié, de 40.000 frs cfa pour les fonctionnaires qui perçoivent au plus 100.000 frs par mois ; 35.000 pour ceux entre 100.000 et 200.000 frs ; 30.000 pour ceux entre 200.000 et 500.000 frs ; 10.000 pour ceux entre 500.000 et 700.000 frs ;


2- Un relèvement du point d’indice de 3% pour tous les fonctionnaires avec effet sur les pensions des retraités ;


3- Le payement des AME, le paiement 10 mois sur douze ajouté à des demi-salaires en juillet et août pendant des formations de renforcement de capacité


4- La confirmation du relèvement du SMIG de 40.000 à 52.000 frs
5- Maintien du refus par le pouvoir de décider la hiérarchisation automatique des salaires dans le secteur privé suite au relèvement du SMIG. Le Gouvernement se contente d’inviter le secteur privé à le faire.


Si tel est le contenu des décisions, le communiqué du Conseil des ministres s’est étendu à indiquer le taux d’augmentation des salaires que ces mesures impliquent pour « le conducteur de véhicules administratifs,…l’agent d’entretien des services de santé,….la sage-femme et l’infirmier, le médecin,… l’instituteur, … le professeur des lycées et collèges, …le policier, … le militaire de rang,… l’officier subalterne ». (Cf " La Nation " n°8135 du jeudi 08 décembre 2022)


Le pouvoir et ses hommes parlent du hautement social dans l’oubli des salariés du secteur privé, le mépris des retraités et en taisant évidemment la réalité des faits ayant conduit à ces décisions.


1- Cela fait 11 ans que des mesures de relèvement des salaires des fonctionnaires ont eu lieu. C’est précisément en 2011 qu’après de grands mouvements des travailleurs, le pouvoir de Yayi a été contraint de procéder au relèvement du point d’indice de 25 %, avec effet immédiat pour les travailleurs du ministère des finances et étalé sur quatre ans pour le reste.


2- Depuis lors, les salaires, les pensions de retraite sont restés stagnants et évidemment, le pouvoir d’achat des fonctionnaires s’est dégradé, avec l’augmentation des prix des produits et services de première nécessité. Talon dès son arrivée, a décidé et clamé en janvier 2017 de « serrer la ceinture » au peuple. Les taxes et impôts ont été multipliés et augmentés, pendant que les secteurs vitaux sont accaparés par le clan au pouvoir. Le pouvoir d’achat des travailleurs, toutes catégories confondues, s’est davantage amenuisé. C’est ce qu’a résumé à Lokossa un participant lors de la tournée insultante d’explication de la flambée des prix organisée par le pouvoir du 12 au 19 mai 2022 : « Aujourd’hui, nous ne savons plus dans quel monde nous sommes…. La vie est très dure pour les travailleurs, pour les artisans, pour les paysans. Même l’insecticide que le paysan prenait à 2.500FCFA, il lui faut 5.000 FCFA aujourd’hui. Si c’est à cause des routes qu’on ne peut pas subventionner ça, nous allons demander au gouvernement de mettre les routes en berne d’abord et nous donner à manger ».


3- Dans leurs ressentis des phénomènes vécus, les masses ont commencé à clamer depuis et de partout que « l’argent ne circulait plus ». Talon et son pouvoir, obnubilés par le drainage à leur profit des ressources du pays, rétorquaient que c’est l’argent sale qui circulait auparavant. Les impôts et taxes sont toujours et davantage augmentés chaque année. Les prix des produits de première nécessité, non seulement ceux importés mais également ceux des produits vivriers produits localement s’envolent à partir de 2020. Le pouvoir de Talon n’apporte aucune mesure de constitution de réserves stratégiques afin de protéger le pouvoir d’achat des populations, des salariés. Les populations ruinées ne peuvent plus dépenser pour consommer.


4- Les canaux de circulation de l’argent se sont asséchés. Le circuit de l’argent a tari. Un journal a publié que le Bénin est l’un des rares pays au monde où la quantité d’argent qui circule pour l’achat des marchandises a diminué entre septembre 2021 et septembre 2022. Ainsi, pendant que le flot d’argent déversé dans tous les pays a augmenté et crée l’inflation, au Bénin, la quantité d’argent a baissé. La ceinture a été serrée au peuple, les ressources ont été tellement drainées par les prédateurs au pouvoir que le circuit de l’argent s’est asséché et a créé le contraire de l’inflation, la déflation. Les vendeurs, importateurs et producteurs ont leurs produits sur les bras. Les impôts et taxes deviennent difficiles à percevoir.


Il faut parer au désastre économique qui s’annonce. Il faut redonner un souffle aux consommateurs pour que continuent les bénéfices, les taxes et impôts au profit des dirigeants au sommet de l’Etat et de leurs associés.


Ce n’est donc pas par l’attachement au bien-être des travailleurs et des populations que le pouvoir de Talon a procédé à la revalorisation des salaires. Si c’était le cas, il n’aurait pas oublié de relever de façon substantielle la situation des retraités ni se refuser depuis avril 2022 de décider de la hiérarchisation des salaires pour les ouvriers et employés du secteur privé.


5- Avant le pouvoir de Talon, tout relèvement du SMIG entrainait, comme il se doit, ajustement à la hausse des salaires au-dessus, afin de maintenir un écart entre les rémunérations des différentes catégories du personnel ; c’est cela la hiérarchisation des salaires. Et cette décision évidente, normale faisait partie des sujets de négociations avec le patronat, aujourd’hui représenté dans la Commission nationale de négociations Gouvernement-Syndicats ! Il s’agit par conséquent d’une remise en cause des acquis des travailleurs, notamment du secteur privé.


Pour se dérober à la nécessité de décider de la hiérarchisation des salaires dans le secteur privé, Talon rétorque qu’il n’appartient pas à l’Etat de l’imposer aux patrons du privé. Mais, le pouvoir de Talon a pris tellement de lois et de mesures pour assurer les surprofits au secteur privé et dont il se vante tant à l’intérieur comme à l’extérieur du pays que cet argument sonne faux. Comment peut-on se vanter urbi et orbi d’avoir pris des lois pour réduire, au profit du patronat privé, les ouvriers et employés béninois à l’état d’esclaves au travail (avec des CDD à vie, des possibilités de licenciement sans limite, l’emprisonnement pour cas de grève) et venir dire que l’on ne peut pas décider de la hiérarchisation des salaires ? Si Talon s’est refusé jusqu’à présent à décider de cette hiérarchisation, et se contente « d’exhorter les employeurs du privé » ne serait-ce pas pour se protéger également lui-même aussi en tant que le premier des patrons du secteur privé ?!


6- En ce qui concerne les retraités, sans rire, Talon, dans son discours sur l’état de la Nation, déclare : « Il n’y a pas que les salariés actifs qui soient confrontés au pouvoir d’achat. Nos mesures impacteront également les retraités.» Comment ? Il ne le dit pas. Mais, l’impact du relèvement de 3 % du point d’indice est, selon ce que dit le gouvernement de 80%, et revient donc à 2,4 % d’augmentation sur les pensions de retraite. Concrètement, pour un retraité qui gagne 50.000 par mois, l’impact est de 1.200 fcfa ; 2.400 frs cfa pour celui qui gagne 100.000 frs cfa et 6.000 frs pour les hauts cadres retraités gagnant 250.000 frs cfa.


Quiconque vit et connaît la situation des fonctionnaires retraités au Bénin ne peut que se révolter de tant de cynisme de la part de Talon. Beaucoup de retraités gagnent moins de 50.000 frs par mois. La très grande majorité des fonctionnaires retraités gagnent moins de 250.000 frs par mois. La prise en charge sanitaire dont bénéficient ces personnes âgées ne concerne que les consultations, les examens médicaux et les soins dans les hôpitaux publics à hauteur de 80 % de leur coût. Reste à la charge du retraité 20% de ces coûts et l’entièreté des médicaments. Et si l’on connaît le lot de maladies chroniques à ces âges avancés, l’on peut mesurer la charge qui pèse sur le fonctionnaire retraité béninois. Ensuite, le chômage endémique de la jeunesse ainsi que la précarisation de l’emploi font retomber d’autres charges sur le parent retraité. Sans oublier les nombreuses obligations familiales pour lesquelles, dans notre société encore patriarcale, les « anciens » sont continuellement sollicités. Ce que dit le président Talon, c’est beaucoup de faux bruits pour accabler davantage le fonctionnaire retraité béninois, surtout que par ailleurs, son gouvernement continue de devoir depuis des années des montants élevés de rappels aux retraités, et dont il ne parle jamais.


En conclusion, les mesures de revalorisation des salaires prises par le pouvoir constituent un rattrapage insuffisant face à la réalité des besoins. Et avec la multiplication des impôts et taxes injustes, le pouvoir autocratique et pilleur reprendra de la main gauche ce qu’il a concédé par la main droite. La défense des acquis sociaux et du bien-être exigeant la conquête des libertés complètes, le défi demeure entier pour les travailleurs et les peuples du Bénin.


Sylvain

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