Le futur de l’Afrique détermine le futur du monde,
Une analyse de Romano PRODI vue par M. Corregia

 

«Tout le monde s'accorde à dire que l'avenir de l'Afrique déterminera le sort du monde»: ces mots ne viennent pas d’un patriote panafricain ni d’un chef d’Etat du continent ni pas non plus d’un activiste internationaliste. La phrase est le début d’une analyse, publiée par un quotidien Italien, Il messaggero, ainssi que par de nombreux sites, écrite par Romano Prodi, un très important politicien Italien, jadis président du Conseil, ministre, et aussi président de la Commission Européenne de 1999 à 2005. Entre 2008 et 2014, M. Prodi a présidé le Groupe de travail Onu-Union Africaine sur les missions de peace-keeping en Afrique.


Finalement la centralité du continent Africain est reconnue par tout le monde. Mais qu’est-ce que cela signifie? M. Prodi continue:«Mais déjà ce continent fait l'objet de la plus grande attention de la part des grands acteurs de la politique contemporaine. Outre les pays qui s'efforcent de maintenir vivante leur présence construite pendant la période coloniale, toutes les grandes et moyennes puissances qui agissent sur l'échiquier mondial opèrent activement en Afrique. La présence croissante de la Chine, qui est devenue le principal acteur économique de toute l'Afrique, est connue depuis de nombreuses années. C'est une présence capillaire, qui continuera à être la voie à suivre pour un pays qui a 20% de la population mondiale, mais seulement 7% des terres arables du monde, qui possède le plus grand appareil productif du monde, mais qui manque de matières premières et d'énergie pour alimenter son industrie. Un pays pour lequel la complémentarité avec l'Afrique (et dans une moindre mesure l'Amérique latine) n'est pas un choix, mais une nécessité.»
Et «la stratégie chinoise a poussé la Turquie à en être un nouvel acteur, aux côtés des pays du Golfe et de l'Inde.» Des présences économiques qui finissent inévitablement par revêtir également une signification politique. Et puis dans ces dernières années, la Russie est entrée dans le jeu, «un acteur qui joue un rôle différent, non plus axé sur une présence économique, mais sur une stratégie essentiellement politico-militaire.» Une partie de la Libye, le Mali, la République centrafricaine et le Burkina Faso.
Prodi ne dit pas que la présence militaire russe dans ce pays aide à contrecarrer la menace terroriste qui est une conséquence directe de la guerre occidentale (OTAN) et alliés du Golfe contre la Jamahiryia en 2011. Les spores jihadistes tuent maintenant partout en Afrique, et les militaires russes aident à les combattre.
Mais M. Prodi, en évoquant «une stratégie combinée entre la Russie et la Chine, afin que la première soit le bras armé et la seconde le bras économique d'une présence partagée sur le continent africain», passe à l’attaque: ces deux pays ont au moins un ennemi commun, l’Occident et surtout la France.
Alors que faire? «Pour lier l'Afrique à nous, nous devons d'abord nous lier à l'Afrique, par une politique européenne qui rompe aussi symboliquement avec le passé. Une politique non seulement d'aide mais surtout de coopération, en abandonnant ce sentiment de supériorité qui a toujours fait croire qu'il était naturel et spontané d'imposer nos règles et nos principes aux pays africains».
Coopération? Nous nous permettons de préciser que, compte tenu du fait que l’Afrique est créditrice par rapport à l’Occident, du fait de la dette coloniale, de la dette post-coloniale (vol de ressources), de la dette climatique, de la dette liée aux guerres impérialistes directes et par procuration, eh bien alors plus que utiliser le mot coopération, et encore moins aide, il faudrait parler de remboursement des dettes vis-à-vis de l’Afrique.


Marinella Corregia, correspondante en Italie

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