Editorial : L’aggravation de la misère du peuple.
Les frontières fermées du Nigéria en ajoute à la misère aggravée du peuple depuis l’avènement du pouvoir de la rupture.
Au lieu de réfléchir et de trouver des solutions à court et moyen termes aux problèmes des masses, les soutiens du pouvoir se livrent à des élucubrations contre le patriotisme économique.
Dans le présent numéro, votre journal publie dans leur intégralité la prise de position du PCB à propos des « frontières fermées du Nigéria » ainsi que le texte du professeur NOUDJENOUME en rapport avec le patriotisme économique de bourgeois nigérians (Dangoté en espèce) face à l’apatridie économique des dirigeants béninois.
La Rédaction
FRONTIERES FERMEES AVEC LE NIGERIA
ENCORE UNE FOIS LE PEUPLE VICTIME DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE APATRIDE DES GOUVERNEMENTS BENINOIS.
A la surprise générale, les populations des deux côtés du Bénin et du Nigeria, se sont retrouvées le mardi 20 août 2019 devant une frontière fermée ou « verrouillée ». Sans avertissement et sans annonce aucune préalable. C’est une opération du Gouvernement du Nigeria avec action conjointe de la Douane, de la Police, de l’Armée et des Services de Renseignement concernant la frontière sud-ouest et nord-ouest du Nigéria, donc celle avec le Bénin notamment. Objectif proclamé : Lutter contre le terrorisme, la circulation des armes légères et la contrebande en provenance du Bénin vers le Nigeria. En matière de contrebande provenant du Bénin, sont cités ou concernés notamment celles portant sur le riz et les voitures d’occasion. L’opération de bouclage frontalier est prévue pour s’étendre sur plusieurs semaines, on parle même de 28 jours.
Il ne fallait plus que cela pour aggraver le calvaire pour ne pas dire le « Golgotha » des pauvres citoyens béninois confrontés depuis trois ans à de dures conditions de vie imposées par le pouvoir de la Rupture. Du jour au lendemain, le prix de l’essence «de contrebande» en provenance du Nigeria utilisée par la majorité des usagers de véhicules et qui permettait de faire vivre plus d’un million de Béninois, est passé à Cotonou de 335 CFA à 500 et à Parakou cela touchait les 800 FCFA. La circulation sur toutes nos artères est devenue fluide. Pour les populations vivant le long des 800 km de frontières communes, c’est le ciel qui vient de tomber sur leurs têtes. Les petites activités transfrontalières qui faisaient vivre des milliers de gens sont arrêtées du jour au lendemain. De nombreux autres petits producteurs à l’intérieur du pays dont la clientèle ou la destination est nigériane sont du jour au lendemain sevrés et dans l’incapacité d’honorer les obligations de crédit. Sans oublier le fait que, déjà depuis l’arrivée des dignitaires de la Rupture, les productions de gari, de manioc, d’igname etc. des pauvres Béninois sont restées sur les bras des producteurs suite à la décision d’interdiction d’exportation (et sans aucune alternative aux producteurs) de ces produits vers le Nigéria.
La misère s’accroit encore, sur les masses, pesante. Au lieu d’en prendre conscience et rechercher des solutions à court et moyen terme, nos gouvernants rupturiens n’ont cure. La population peut crever, ils n’ont rien à y voir. Leur préoccupation, c’est comment reprendre de « façon musclée » le déguerpissement des petits vendeurs des bords des rues et des marchés ou les destructions des habitations des populations comme à Xwlacodji pour le bonheur des riches. Leur préoccupation, c’est comment « évaluer » pour licencier des milliers d’enseignants, détruire l’Ecole, depuis l’enseignement supérieur au primaire avec la fermeture insensée d’établissements privés d’enseignement supérieur, supprimer des centaines d’Ecoles primaires publiques des contrées et accroître les peines des enfants et des parents pauvres.
Les sous-fifres rupturiens pour défendre leur cause se livrent sur certains réseaux sociaux à des réflexions irrespectueuses envers le Nigeria. Avec des titres tels que « Un voisin un peu stupide », ces apatrides peuvent écrire ceci « Vouloir mettre le consommateur en situation d’autarcie et orienter ainsi sa consommation dans le sens local, c’est prendre le risque de la sous-consommation et du développement de l’informel, toutes choses nuisibles à l’économie. »
Entendez, pas de production locale pour consommer local. Il faut seulement importer et faire de la contrebande !
La misère aggravée imposée au peuple ne préoccupe donc pas les dirigeants de la Rupture parce que peut-être et sûrement quelque part ils y trouvent leur compte ? Ne nous ont-ils pas prévenus qu’en toute chose et tout temps, ils pensent d’abord à eux-mêmes.
En ce qui le concerne, le Parti Communiste du Bénin dénonce l’irresponsabilité et l’inaction affichées du pouvoir de Talon face à la fermeture par le Nigéria de sa frontière avec le Bénin. Il appelle le pouvoir à des mesures en faveur des petits producteurs victimes de cette situation.
Cotonou, le 28 août 2019
Le Parti Communiste du Bénin
II-Le Patriotisme économique face à l’apatridie
Face aux élucubrations des zélateurs rupturiens contre la volonté des autorités nigérianes de privilégier la production locale pour la consommation locale, votre journal reproduit dans son intégralité un texte publié en date du 14 Juin 2019 dans lequel le Professeur NOUDJENOUME avait déjà situé la position de la question en réponse à ces élucubrations apatrides.
« Prof. Philippe NOUDJENOUME
OPINION
LE PATRIOTISME ECONOMIQUE DE DANGOTE FACE A L’APATRIDIE ECONOMIQUE BENINOISE
Depuis quelques jours s’instaure sur les réseaux sociaux une polémique passionnée sur les rapports avec notre Grand Voisin de l’Est, le Nigeria.
De quoi s’agit-il ?
Au cours de la « Table ronde consultative sur la croissance de la CBN (Central Bank of Nigeria) » tenue à Lagos le 9 Juin dernier, le milliardaire nigérian a déclaré ceci « Il urge de prendre des mesures draconiennes contre le Bénin afin de protéger le marché nigérian face aux réexportations néfastes en provenance du Bénin » Il poursuit « Ce qui nous tue le plus, c’est la contrebande. La contrebande est ce qui a réellement tué la plupart de nos politiques. Aucun pays ne peut survivre avec un voisin comme la République du Bénin. Leur principal travail est de faciliter la contrebande »
Un tel discours a suscité bien de polémiques notamment de la part de soi-disant patriotes béninois qui accablent l’homme d’affaires nigérian de tous les noms d’oiseaux. « Dangote parle en tant que qui ? Gouverneur du Nigeria ou homme d’affaires ? S’il veut investir au Bénin, il est le bienvenu. Mais qu’il ne nous menace pas ! » Certains vont jusqu’à écrire des choses du genre, « Le Bénin n’a pas à prendre des leçons de Dangote car chaque pays continue de protéger son marché existant ». Voilà autant de choses qu’on lit et d’autres balivernes du genre. Et avec cela on veut se couvrir du manteau de patriotisme ? Il n’en est malheureusement rien du genre. Ces personnes ne font que déverser ou leur ignorance des choses ou leur apatridie honteuse.
En quels termes se pose le problème ?
Depuis quelques années le Nigeria a décidé de lancer une politique hardie de développement de son pays dans tous les domaines de production à commencer par la production agricole. Il s’agit principalement de produire pour le peuple nigérian ce qui est nécessaire pour son alimentation pour ne pas dépendre de l’extérieur et assurer l’autosuffisance alimentaire. Dans une politique hardie de partenariat Public-Privé, Dangoté a investi au moins 4 milliards de dollars Us dans la production du riz en trois ans pendant que le gouvernement lui-même y a investi 30 milliards. Le résultat, c’est que pour l’année passée, 2018, le Nigeria a produit près de 12 millions de tonnes de riz largement au-dessus de la capacité de consommation des 200 millions de personnes. Dangote investit dans la production de la canne à sucre et la raffinerie du sucre 450 millions de dollars Us, sans oublier la géante usine de transformation de tomate dans l’Etat de Kano avec 17000 hectares de champs de culture de la tomate et une capacité de transformation de 1200 tonnes par jour ; sans oublier l’investissement dans la pétrochimie et d’engrais.
Dans le même temps, le Nigeria est en train de construire la plus grande raffinerie du pétrole du monde ; les rails commencent à relier l’immense territoire nigérian du nord au sud ; un grand et nouveau Port ultra moderne Ibeju Lekki en eau profonde est en construction. Objectif : faire du pays une puissance industrielle et en œuvrant à la production et à la transformation sur place les produits obtenus. Tout cela crée des emplois pour le pays.
Cela s’appelle patriotisme économique. Même si la déclaration de Dangoté cache des conflits d’intérêts avec d’autres hommes d’affaires béninois, cela n’annule pas le patriotisme de ses propos.
Qu’avons-nous observé ? Pendant que le Nigéria fournit des efforts pour produire une énorme quantité de riz de très bonne qualité sur le marché nigérian, le gouvernement béninois, non seulement ne fait rien pour promouvoir la production interne, mais autorise que transitent par le port de Cotonou des tonnes de riz à qualité douteuse en provenance des pays que l’on connait et ceci à très bas prix ; ce qui crée des conditions de mévente et de sabotage de l’économie nigériane. Qui peut accepter ?
Au lieu d’une telle politique de patriotisme économique, les différents gouvernements de notre pays et plus particulièrement celui de la Rupture préfère la poursuite de politique du pacte colonial. Exporter brutes les matières premières produites et importer le produit fini. Or comme on le sait, exporter brutes les matières première, c’est détruire l’emploi chez soi pour le produire dans le pays d’exportation. Autrement dit exporter la richesse pour importer la misère. Le Président Patrice Talon est champion de cette politique qui n’hésite pas non seulement à la pratiquer, mais encore à la théoriser. Il achète par sa société SODECO, l’ensemble du coton béninois, l’exporte brut dans les pays asiatiques et autres européens à prix d’or. Sous prétexte que les usines textiles sont « énergivores », il s’acharne à détruire les restes d’usines textiles encore existants au Bénin. Après COTEB et SITEX, c’est le tour de la CBT à Lokossa que l’on veut fermer.
Depuis au moins 1994, avec la dévaluation du Franc CFA, tous les pays de l’Afrique de l’Ouest s’acharnent à réduire leur déficit commercial par la production sur place des produits alimentaires nécessaires pour la consommation locale, à commencer par le riz. Tous les pays de l’Afrique de l’Ouest se livrent pour cela à une sorte d’émulation pour savoir lequel produirait le plus le riz pour nourrir sa population. Interrogez la politique de tous ces pays, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Ghana, le Nigeria.
Que faisons sous au Bénin ? Notre pays maintient toujours sa politique d’Importation/ Réexportation vers les pays voisins et en particulier le Nigeria. Pour exemple regardons le tableau des exportations pour l’année 2017. Sur un total de 1197,4 milliards de CFA, la réexportation fait à elle seule 767,7 milliards soit au moins 64% pendant que le coton, principale ressource d’exportation ne représente que 211,8 milliards, soit 18% et l’anacarde 48,3 milliards (Cf. Statistiques douanières, BCEAO). Et cette politique n’a pas changé depuis. Le Bénin demeure ainsi un pays entrepôt. Et cela s’aggrave de jour en jour. Cela s’appelle l’apatridie économique. Il faut avoir le courage de le reconnaître.
Le marché nigérian, grand de 200 millions de consommateurs est un débouché naturel pour les produits béninois. Il faut réorienter la politique économique pour que le Bénin cesse d’être « un pays entrepôt et de transit » des produits étrangers vers le Nigéria, mais que ce soient essentiellement les marchandises produites au Bénin qui fassent l’objet des exportations. Un gouvernement patriotique doit instaurer et mener à cet effet une politique d’édification économique du pays avec association prioritaire des hommes d’affaires nationaux et non leur faire la chasse. Le Bénin peut devenir une usine pour le Nigéria tout comme la Chine est aujourd’hui l’usine du monde. Les opérateurs économiques nationaux doivent être protégés et encouragés dans ce sens pour le développement de la production interne en vue de la consommation nationale et pour l’exportation. Le blocage des exportations d’un produit en vue de protéger le consommateur béninois doit s’accompagner de la protection du producteur à l’aide d’un prix-plancher rémunérateur. C’est le lieu de dénoncer l’interdiction par exemple de l’exportation du gari sans aucune alternative pour les paysans et paysannes qui se retrouvent actuellement avec des tonnes de produit difficilement conservable sur le bras. Lorsque l’Etat intervient sur le marché, il doit se doter d’un mécanisme de garantie d’un prix rémunérateur au producteur, au risque de conduire à la ruine des producteurs et à terme, à la pénurie pour les consommateurs.
La réexportation des produits étrangers et en contrebande est un fléau évident pour la politique nigériane de développement. Cela ne fait l’ombre d’aucun doute. Et la question depuis des années fait l’objet de contentieux entre les deux Etats. Ce n’est pas la première fois que le problème est posé en ces termes. Dis-moi à qui profite le crime, je te dirai qui est le criminel. La contrebande profite incontestablement à l’économie de traite béninoise et c’est par pure hypocrisie que l’on évoque des frontières longues (800 km) et poreuses pour se dédouaner à bon compte vis-à-vis du voisin nigérian. Et l’on sait que le budget béninois se base essentiellement sur ces contrebandes.
Le Nigeria s’est plaint à maintes reprises de cette situation de contrebande et a menacé à maintes reprises de fermer la frontière avec le Bénin. Le Ministre nigérian de l’agriculture l’a déclaré en août 2018 « Notre autre problème c’est la contrebande. Actuellement il y a un de nos voisins qui importe du riz plus que la Chine. Pourtant, on ne consomme pas de riz étuvé dans ce pays mais du riz blanc. Ils utilisent donc leur port pour nuire à notre économie » (L’Economiste du 25 Juin 2018).
Dangote et le gouvernement nigérian font preuve de patriotisme économique. Ce qui veut dire qu’ils pratiquent une politique de protection des producteurs et opérateurs économiques nationaux nigérians et de promotion de la production nationale ; une politique d’édification économique de leur pays avec association prioritaire des hommes d’affaires nigérians sans leur donner la chasse comme on le voit chez nous. Nous devons faire autant si nous voulons sortir de l’ornière de la dépendance coloniale et du pacte colonial. Produire et transformer sur place ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons pour notre population et pour l’exportation.
Toute autre vue serait du conservatisme de type colonial qui nous met à la remorque des apatrides et des pires ennemis du développement de la patrie.
Cotonou, le 14 Juin 2019. »