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Lettre du Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin

A Messieurs les Présidents des Partis Politiques

de «l’Union fait la Nation»

(Attention Président AMOUSSOU Bruno)

A l’Alliance A.B.T.

(Attention Président Abdoulaye BIO TCHANE)

Cotonou, le 06 Octobre 2010

(lettre jusqu’à ce jour inédite)

Mesdames et Messieurs,

Dans mon Adresse au Peuple du Bénin en date du 04 Août 2010, je disais que dans des circonstances exceptionnelles et critiques de l’histoire politique de notre pays, le Parti Communiste du Bénin a « l’habitude  de s’adresser aux travailleurs et aux peuples pour leur indiquer la voie la meilleure à suivre pour aller hardiment vers leur auto-émancipation avec la moindre douleur ».  Il l’a fait ainsi en 1983, 1988, 1995, 2005 chaque fois qu’un tournant politique présente de sérieuses menaces d’effondrement des conditions d’existence des hommes et des femmes de ce pays et qu’il faille un sursaut de toutes les bonnes volontés.  Les moments que nous traversons sur le plan politique sont critiques et c’est pourquoi, je viens m’adresser à vous en tant que Responsables politiques  de masses d’hommes qui vous écoutent et qui vous suivent et dont vous constituez à tort ou à raison  l’espoir.

Je sais et la vie le prouve tous les jours que les intérêts de classes divisent les hommes en société et que vous ne partagez sûrement  pas ma vision qui est celle de mon parti, le Parti Communiste du Bénin sur l’avenir de ce pays, ni les objectifs fondamentaux du mouvement social en cours ni les voies à suivre pour le devenir radieux de ce pays. Je sais aussi que vous ne partagez pas ma vision de voir instaurer au Bénin un pouvoir des travailleurs et des peuples comme unique voie de libération de notre chère patrie  de la domination étrangère. Mais lorsqu’il s’agit de la remise en cause d’acquis démocratiques fondamentaux, fruits de la sueur et du sang de notre peuple, lorsqu’il s’agit de menace à la vie de milliers d’hommes et même de millions d’hommes et de femmes, toutes les forces doivent s’unir dans un combat commun pour le salut. Et ceci sans calculs partisans. Une telle union sacrée ne s’est-elle pas réalisée en 1989 contre le pouvoir despotique de KEREKOU-PRPB ?

Des événements politiques m’amènent à la démarche présente à votre endroit. C’est d’abord les révélations faites par l’honorable Rosine VIEYRA SOGLO sur les déclarations belliqueuses et criminelles attribuées au Président  YAYI Boni contre notre patrie et qui s’expriment ainsi : « Je vais mettre le pays à feu et à sang », déclarations qui n’ont jamais reçu à ce jour aucun démenti de la part de la personne présumée auteur. C’est ensuite les dernières décisions de la Cour Constitutionnelles cassant les récentes lois portant règles générales et particulières pour les élections en République du Bénin. C’est aussi les graves déclarations faites au Parlement par le député de la mouvance présidentielle, DEGLA en réponse aux justes accusations faites par le député Epiphane QUENUM contre le pouvoir tyrannique de YAYI Boni. C’est enfin les dernières dérives de ce pouvoir liberticide contre les libertés fondamentales et premières des citoyens et qui se caractérisent par des interdictions de manifestations et la répression brutale de manifestants pacifiques à Abomey.

I

Les déclarations du Président YAYI Boni, premier magistrat du pays, donnent frisson pour tout un chacun des citoyens habitant ce pays, par leur gravité et le fait qu’elles rentrent dans la logique de déclarations et de comportements de l’intéressé depuis son arrivée au pouvoir. Dès sa prise de fonction de Chef d’Etat, les premières paroles qu’il au eues sont allées à l’endroit des hommes politiques qui constituent ses modèles à suivre, et qui ont pour noms EYADEMA- père du Togo, Ben ALI de Tunisie etc. C’est-à-dire des chefs d’Etat qui sont connus pour des crimes horribles qui ont jalonné leur parcours dans leur pays. Et en effet, en jetant un regard sur les quatre années de pouvoir de YAYI Boni, on se rend compte aisément qu’il est semé de crimes et d’actes politiques les moins recommandables  au plan du respect des droits élémentaires de l’homme et de la démocratie : interdictions de manifestations lorsqu’elles ne font pas en sa faveur, montage de manifestations provocatrices à l’affrontement des populations, arrestation et détention d’opposant politique sous couverture de motifs de droits communs (cas de ADOVELANDE et du maire de DANGBO), refus de la reconnaissance des résultats des élections communales ou municipales et/ou blocage de celles-ci lorsqu’elles sont défavorables à la mouvance, impositions de maires par la force des armes comme ce fut le cas du maire HOUNSOU-GUEDE à Abomey-Calavi et ailleurs, poursuite de la réalisation d’une LEPI  frauduleuse malgré l’opposition de la majorité des citoyens, mépris affiché à maintes occasions à l’endroit de la Représentation nationale et multiplication des prises d’ordonnances et par-dessus tout, assassinats de citoyens paisibles par balles (tirs de militaires de son escorte à Cotonou, Ouidah etc…), personnes abattues sur le périmètre de Grand Agonvy et qui n’ont pas trouvé encore de sépulture. La disparition mystérieuse de citoyens (Cas de Pierre DANGNIVO), les déclarations mensongères et les comportements accusateurs des dignitaires du  pouvoir viennent en rajouter à la chose. Notre pays n’a jamais enregistré autant d’assassinats, autant d’enlèvements, autant de crimes crapuleux en un temps aussi court que sous le régime dit de Changement. L’insécurité règne en maître et les épouses et enfants des hommes politiques opposants connus à YAYI Boni vivent désormais dans l’anxiété tous les jours et ne sont rassurés qu’au retour du chef de famille.

Les pas posés jusque-là par le pouvoir de YAYI Boni montrent bien qu’il n’entend se soumettre à aucune légalité, pas même à la Constitution (lors que  ses intérêts politiques sont en jeu), que sa seule légalité c’est sa boulimie du pouvoir et qu’il conduit tout droit le pays vers ce qu’il a déclaré « mettre le pays à feu et à sang ».

Une véritable catastrophe pointe donc à l’horizon avec le risque d’une guerre civile réactionnaire. YAYI Boni se révèle pour notre pays une Calamité nationale, la pire que notre pays ait connue depuis son indépendance formelle après la sombre période du despote KEREKOU. Tout cela la Démocratie révolutionnaire, mon Parti, le Parti  Communiste du Bénin en premier l’a dit et répété sous tous les tons. Vous tous en secret comme publiquement (avec des mots différents) vous convenez avec nous que le « Chauffeur » YAYI Boni doit être changé sous peine de catastrophe imminente pour les passagers du Véhicule Bénin.

Dans ces conditions, le seul acte salutaire à poser c’est de se lever ensemble pour arrêter immédiatement et tout net les mains du criminel avant qu’il ne plonge le pays dans l’inconnu. C’est ce à quoi mon Parti a toujours appelé sans attendre une échéance constitutionnelle (celle de 2011 par exemple) à laquelle ne croit nullement YAYI Boni si ce n’est pour se maintenir au pouvoir. Vous me direz : « Le PCB se trouve dans sa logique, celle du soulèvement général ». Oui, le PCB se trouve dans la logique du soulèvement général dont le caractère démocratique ne peut être dénié étant historiquement fondateur de toute démocratie. Le PCB se trouve effectivement dans sa logique Mais quelle autre alternative démocratique offre un pouvoir tyrannique comme celui-ci qui n’a même pas accepté les résultats des élections communales ou municipales  défavorables et qui ne reconnaît les dispositions de la Constitution que si elles lui sont favorables? Croyez-vous qu’il accepterait perdre une élection qui cette fois-ci l’engage directement : l’élection présidentielle ?

Vous disiez jusque-là le contraire et affirmez vouloir chasser YAYI Boni par la voie des urnes. Vous aussi vous êtes dans votre logique. Mais les dernières décisions de la Cour Constitutionnelle n’affaiblissent-elles pas votre position ?

II

Tout citoyen quelque peu averti de la chose politique ( et qui ne se laisse pas abuser par la propagande  de défenseurs  attardés  des vues pro-impérialistes sur ‘’ la vitalité de la démocratie béninoise’’) peut se rendre compte que la Cour Constitutionnelle béninoise depuis son installation en 1993 s’est toujours mise au service du plus offrant dans les batailles électorales connues dans notre pays. La Cour de POGNON Elisabeth a fait revenir KEREKOU en 1996 au détriment de SOGLO ; celle présidée par Madame OUINSOU a fait varier la liste des inscrits  entre les deux tours d’un même scrutin présidentiel en 2001 au point de mériter l’appellation de Cour des miracles donnée par Maître Adrien HOUNGBEDJI !  Plus que toutes les Cours, celle de DOSSOU Robert bat les records de Cour-godillot au service de YAYI Boni.  Les dernières décisions DCC 10-116 et DCC-117 qui cassent les deux lois portant règles générales et règles particulières des élections au Bénin ont soulevé à juste titre de l’émoi dans la population. La Cour ne s’est même pas embarrassée de l’observation de principes régissant le droit constitutionnel pour rendre ses décisions.  Ainsi par exemple la mission de la Cour Constitutionnelle est de juger la conformité des lois par rapport à la Constitution, mais nullement de juger de la conformité d’une loi par rapport à aune autre loi. Et pourtant c’est ce  que fait la Cour qui n’a pas hésité à évoquer la non-conformité  de dispositions de la loi 2010-33 portant règles générales des élections en République du Bénin par rapport à la loi 2009-10 du 13 Mai 2009 portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée pour invalider bon nombre de ses dispositions. Elle érige en norme de référence constitutionnelle sa propre jurisprudence, autrement dit comme faisant partie désormais du bloc de constitutionnalité, les décisions de la Cour constitutionnelle sur la base du principe de l’autorité de la chose jugée en occultant complètement les conditions dans lesquelles s’exerce ce principe et surtout les possibilités de revirements de jurisprudence. Enfin elle va jusqu’à considérer comme norme de référence constitutionnelle « la proposition de réforme initiée par le comité de relecture de la Constitution » de « 17 membres » de la CENA pour déclarer contraire à la Constitution l’article 20 de la nouvelle loi réduisant le nombre des membres de la CENA à 11 membres. Une simple proposition de révision de disposition constitutionnelle (non validée par aucune institution) devient ainsi une norme de référence constitutionnelle !

La Cour interdit même la possibilité à la CENA et  ses démembrements de donner « les grandes tendances » et de publier « sur son site web et par voie de presse les résultats bureau de vote par bureau de vote » comme le veut l’article 31 alinéa 4 de la loi portant règles générales des élections en République du Bénin.

La Cour de DOSSOU Robert dit catégoriquement non. De la sorte elle vous coupe toute retraite. Vous qui,  forts de votre majorité au Parlement, voulez contourner cette Cour par des dispositions nouvelles législatives qui confèrent quelques attributions supplémentaires à la prochaine CENA que vous espérez bien contrôler pour les prochaines élections.

La Cour s’arroge ainsi par-dessus tout le droit de proclamer élu qui elle veut.

Par ces décisions, la Cour de DOSSOU Robert a montré qu’elle est prête à recourir à tous les moyens pour faire gagner YAYI Boni et que la machine à fraude est apprêtée pour la manœuvre sordide quitte à allumer une guerre pour forcer le passage. Cela devrait suffire à faire tomber toutes les illusions d’une victoire sur celui-ci par la voie des urnes en 2011. En persistant dans une logique que vous savez  favorable à YAYI Boni ne se rend-on pas complice du criminel ?

Il demeure certes l’issue putschiste. Ce à quoi certains d’entre vous pourraient penser. Mais je n’ose croire que vous donnerez dans cette aventure (ne s’appuyant sur aucun programme connu préalablement) qui a fait ses preuves dans notre pays (et ailleurs) par la négative et qui se situe à l’antipode de l’exerce par le peuple de son droit souverain à assumer son destin.

La seule issue réellement démocratique et la moins douloureuse pour les hommes de notre pays, c’est le soulèvement général. Les travailleurs et les peuples du Bénin disposent de ressources morales pour assumer cette tâche d’auto-émancipation. Et c’est ce à quoi je vous convie, et votre engagement dans cette voie est le gage d’un dénouement rapide (avec la moindre douleur) de la crise multidimensionnelle dans laquelle le régime dit du Changement a conduit notre patrie. Si, comme je le souhaite, vous concédez à cette issue, vous contribueriez à la libération de l’énergie des milliers de citoyens sous votre contrôle et  feriez  ainsi œuvre patriotique.  A cet effet, je serais prêt à entrer en discussion avec vous pour la conduite du processus pour des combats victorieux. Il est évident au vu des actes de désespoir que pose le gouvernement en place qu’une prompte réponse de votre part serait la bienvenue. Il est également entendu que l’absence de réaction de votre part dans les tous prochains jours serait considérée également comme équivalente à une réponse.

Veuillez recevoir cher Président, mes salutations fraternelles et toujours patriotiques.

Philippe NOUDJENOUME

signature illisible

Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin.

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